FLAMME, ANNEAUX, CHAUDRON – LES DESSOUS DE SYMBOLES

Ce sont quatre symboles qui ont marqué les Jeux Olympiques 2024 de Paris. La Flamme, les Anneaux, le Chaudron et la Vasque qui sont liés aux Jeux Olympiques 2024. Il s’y ajoute un cinquième, « les aquitos » pour les Jeux Paralympiques, qui ont lieu du 28 août du 08 septembre 2024. On en parlera ultérieurement.

Les symboles qui ornent la tour Eiffel, ou la flamme et le chaudron sont des produits de la haute technologie française. C’est une entreprise luxembourgeoise, que l’on croit française : ArcelorMittal  qui les a produits en France.

Qui est ce géant mondial de la sidérurgie ?

L’entreprise s’est formée de la fusion de deux groupes : le luxembourgeois Arbed d’un côté et le groupe familial Mittal de l’autre. Arbed fait partie des grands groupes européens de l’acier comme Krupp, Thyssen, Mannesmann. Les luxembourgeois se sont très vite développés en un groupe belgo-luxembourgeois. Il s’agrandit très tôt au Brésil. Pendant la crise de la sidérurgie ils ont intégré la sidérurgie lorraine et plus tard toute la sidérurgie française. Les espagnols leur ont confié Aceralia lors de la privatisation de leurs acieries. Viennent en plus des acquisitions dans la sidérurgie allemande. En 2006 le nom d’Arbed devient Arcelor. L’entreprise devient une force dans la sidérurgie mondiale. Mais le centre de décision se trouve toujours au Luxembourg. Analysant la situation de la sidérurgie, l’entreprise prend une décision radicale. Elle ferme les hauts-fourneaux au Luxembourg et construit des aciéries électriques. En plus elle commence a utiliser la ferraille comme matière première. Les fours électriques permettent le recyclage de l’acier. L’entreprise devenue mondiale reste dans la tradition de l’Arbed. Elle est  résolument ouverte à de nouvelles technologies et orientée vers des produits de haute technologie. Mais Arcelor est vulnérable. L’entreprise n’a pas d’actionnaire de référence. Elle est une proie formidable pour des prédateurs.

Haut-fourneau éteint au Luxembourg

De l’autre côté, la famille Mittal crée en même temps un empire d’acier qui est présent mondialement, comme Arcelor. Son stratège et propriétaire, Lakshmi Mittal, parlant avec des analystes allemands, fait une remarque cryptique, il faudrait peut-être encore  arrondir son empire.

Commence alors en janvier 2006 une bataille sans merci entre Mittal et Arcelor. Une  bataille qui n’est pas tellement à l’honneur de la presse luxembourgeoise où certains journalistes économiques sont « mis à l’ecart » parce qu’il jugent que les chances du prédateur Mittal de gagner l’OPA hostile sont réelles. La presse comme tout le pays est vent debout contre l’essai de « voler » au Luxembourg son fleuron industriel. Le titre d’un journal est programme : «  It’s No, Mr.Mittal». On était au bord d’une crise diplomatique avec l’Inde. Arcelor pensait sérieusement se jeter dans les bras du russe Severstal qui était prêt à débourser 12 milliards d’Euros pour 30 % du capital d’Arcelor. Mittal relève son offre initiale et réussit, après six mois d’âpre combat, à mettre Arcelor dans sa corbeille pour le prix 26,9 milliards d’ Euros, mettant fin à une bataille économique et épique dans la sidérurgie mondiale.

Lakshmi Mittal, PDG d’ArcelorMittal après la fusion et son fils, Aditya Mittal à l’époque directeur financier du groupe, aujourd’hui PDG du groupe. ArcelorMittal aujourd’hui ne ressemble ni à Mittal Steel ni à Arcelor avant l’OPA de 2006. La Photo date de l’époque de 2006. photo: ArcelorMittal

ArcelorMittal figure aujourd’hui parmi les plus grands sidérurgistes mondiaux. La gestion de la participation de la famille Mittal se fait à Londres où résident aussi le chef du conseil de surveillance, Lakshmi Mittal et Aditya Mittal, PDG de l’entreprise. La bourse déterminante est celle du Luxembourg. Le nouveau groupe possède la puissance de restructurer la sidérurgie en Europe – non sans difficultés – notamment en France. Arcelor Mittal a fermé la production dans la région de Liège, a fermé les hauts-fourneaux à Florange et la production électrique du site de Gandrange. La production sidérurgique se concentre depuis en Belgique à Gand, en Allemagne à Duisburg, Hambourg, Brême, Eisenhüttenstadt, en France majoritairement à Dunkerque et Fos. ArcelorMittal avait la possibilité de restructurer la sidérurgie européenne au-delà des frontières nationales à l’intérieur de son groupe. Il y a une stratégie derrière. On ferme la production qui est coûteuse. Mais on garde les laminoirs qui produisent les plus-values. On fait approvisionner les laminoirs même sur plusieurs centaines de kilomètres par des hauts-fourneaux et fours électriques qui fonctionnent à temps plein au lieu d’en avoir une multitude qui ne fonctionnent qu’à 60 ou 70 % seulement. Les centres de recherche et de développement les plus importants en Europe se trouvent à Montataires dans les Ardennes françaises et à Maizières le Metz en Moselle. Depuis la fusion en 2006 ArcelorMittal s’est développé  en leader d’innovation et de qualités des produits sidérurgiques. Seulement : Il manquait la visibilité.  Viennent alors les Jeux Olympiques de Londres 2012.

L’Orbit à Londres

La Tour ArcelorMittal Orbit est le souvenir des Jeux Olympiques 2012 à Londres photo: Arcelor Mittal

La plus grande sculpture d’art public à Londres est une tour tordue en acier d’une hauteur de 115 mètres, conçue par le sculpteur d’origine indienne Anish Kapoor et l’ingénieur d’origine sri-lankaise Cecil Balmond. C’est un legs permanent des Jeux Olympiques à Londres 2012. La tour participe à la réhabilitation post-olympique de la zone de Stratford dans la capitale britannique.

Le projet est né après que le maire de l’époque, Boris Johnson, et le secrétaire d’Etat des Jeux Olympiques de l’époque, Tessa Jowell,  aient décidé « que le parc olympique nécessitait quelque chose de plus et de perdurant ». L’Orbit a été le choix unanime par un panel consultatif. Lakshmi Mittal, à l’époque PDG d’ArcelorMittal, finance 16,1 millions d’Euros du projet qui coûtera 19,1 millions d’Euros.  Le nom officiel de la sculpture en acier est « ArcelorMittal Orbit ». Comme pour chaque œuvre d’art il y a des louanges et des critiques. On loue la tour pour un « design audacieux » et comme mérite en tant que projet d’art public. On la critique comme « un projet vaniteux «. 

LES JEUX DE PARIS 

En 2023 le comité d’organisation des Jeux de Paris entame des discussions avec le sidérurgiste. ArcelorMittal emploie plus de 15.000 personnes en France et est devenue une entreprise incontournable en France. L’entreprise dispose des deux plus importants sites de production en Europe avec Dunkerque et Fos-sur-mer. Elle investit des milliards dans la décarbonation de la production.

 L’acier est un produit classique de recyclage. ArcelorMittal développe des procédés pour utiliser de la ferraille dans ses acieries électriques, développe l’utilisation de l’hydrogène dans ses installations à Hambourg et à Duisburg. L’entreprise s’intègre parfaitement dans la philosophie française des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Elle devient partenaire technique. Des employé(e)s figurent parmi les porteurs de la flamme.  ArcelorMittal produit:

La Flamme

Le président Arcelor Mittal France, Eric Niedziela avec la flamme, fabriquée par son entreprise
photo: ArcelorMittal

Mathieu Lehanneur est l’inventeur de la flamme pour les Jeux et les Paralympiques. Il a fait le design. Mais le réaliser est autre chose. Il faut choisir les matériaux, il faut penser l’intérieur avec un réservoir pour la flamme, etc. etc. Ce sont les experts du centre de recherche et de développement d’ArcelorMittal à Maizières-les-Metz dans le département de la Moselle qui identifient les matériaux, les procédés et les composants. A Châteauneuf (Loire) sur le site du groupe, on fait couler l’acier. Et puisque c’est de l’acier, on peut prendre de la ferraille et la recycler, ce qui réduit considérablement l’empreinte carbone. La coulée se solidifie en un énorme lingot de 30 tonnes qui est laminé une première fois sur place. Ensuite on le transporte à Florange en Moselle. Le laminoir de Florange sait faire des miracles. Le site est spécialisé pour remplir les exigences extrêmes de l’industrie automobile et de l’emballage alimentaire. De ce lingot on lamine des bandes de 0,7 millimètres, qu’on enroule sur une Bobine. Et encore une fois l’acier de la flamme se met en route. Quelque 30 kilomètres plus loin, à Woippy, ArcelorMittal dispose d’une usine presque entièrement robotisée où l’on coupe la bobine en feuilles. Ces feuilles partent chez un orfèvre qui – lui – sait faire la découpe de la taille des plaques dont on a besoin pour la mise en forme de la tôle et le soudage au laser. Ainsi on fabrique les parties haute et basse de la future torche.

Mais ce n’est pas encore tout. La torche sous forme brute recevra encore un revêtement avec une poudre, dont on ne parle que peu. C’est un revêtement conçu spécialement pour les produits de l’Aérospatiale, par une entreprise européenne/américaine d’après des sources proches du dossier.

Ensuite les composants de la torche reviennent vers ArcelorMittal qui pilote la phase d’assemblage du corps de la torche. Ce sont dix composants principaux qu’il faut assembler. A la fin on dispose d’une torche élégante d’un poids de 1,5 kg, d’une hauteur de 70 cm et d’une épaisseur d’acier de 0,7 millimètre.

La torche est fabriquée en 2.000 exemplaires. Elle n’est pas à vendre.

Même si la torche est éteinte au moment de la parution de l’article, elle va revivre. Le 24 août elle sera rallumée en Angleterre pour retrouver le chemin pour les Jeux Paralympiques à Paris.

LE CHAUDRON 

Le chaudron, avec un poids de 90 kilos, “facilement” transportable. photo: ArcelorMittal

Le Chaudron, prédécesseur de la grande vasque à Paris, a fait sensation pendant les Jeux Olympiques et sera de nouveau un symbole pour les Jeux Paralympiques à partir du 28 août. A chacune des stations de la flamme durant son trajet à travers de la France on a pu trouver un chaudron. Les organisateurs des Jeux ne voulaient pas seulement faire héberger la flamme. Ils avaient prévu qu’on allumerait chaque fois le chaudron comme signe que les Jeux Olympiques 2024 avaient été attribués à Paris mais que toute le France était impliquée. Comme prévu à chaque station, le dernier porteur allait allumer le chaudron comme symbole que « les Jeux étaient arrivés dans l’enceinte de la ville concernée ». Qu’il allait falloir payer jusqu’à  180.000 Euros pour avoir l’honneur d’avoir la flamme dans ses enceintes était moins important vu l’enthousiasme de la population et des médias locaux.

Le Chaudron alors. Imaginé comme la torche par le designer français Mathieu Lehanneur, il est caractérisé, par la pureté de sa forme : la torche à l’élégance et la douceur des courbes, le chaudron plus sobre avec une clarté industrielle attirante.

Le chaudron est doté d’un anneau en acier de 1,36 mètre de diamètre. Le socle du chaudron a été façonné par l’eau, tandis que l’anneau est percé par 250 orifices pour créer l’embrasement en cercle. ArcelorMittal a fait fabriquer 20 chaudrons. Huit ont servi pour les Jeux Olympiques. Douze vont servir pour des Jeux Paralympiques.

LES ANNEAUX

Les anneaux à l’essai dans les Vosges photo: ArcelorMittal

De nouveau ce sont la ferraille et de nouveau Chateauneuf et les usines Le Creusot qui sont à la base des anneaux ornant la Tour Eiffel. La ferraille est la nouvelle matière première dans la production de la sidérurgie. Comme l’acier pour la torche, celui pour les anneaux a fait  son tour de France. La ferraille a été « cuite » à Chateauneuf, l’acier ensuite transporté à Dunkerque pour être laminé. De Dunkerque l’acier trouve son chemin vers la région d’Epinal où on le découpe et lui donne sa forme ronde. Il est ensuite soudé et peint. Le « Speculator » comme la sculpture est nommée, a en plus reçu un système sophistiqué d’éclairage que des milliers de spectateurs à Paris ont admiré ainsi que des millions à la télé.

Les anneaux, suspendus pour voir leur solidité. photo: ArcelorMittal

Avant de livrer les anneaux à Paris, les ingénieurs ont examiné la situation statique et la solidité dans un lieu caché dans les Vosges . Ils avaient simulé l’assemblage pour garantir la résistance et la sécurité, une fois les anneaux fixés à la Tour Eiffel. Tandis que le PDG Aditya Mittal se félicitait  « pour pouvoir montrer au monde entier ce qu’on sait faire avec de l’acier », il y avait des manifestants devant la porte des usines de Fos-sur-mer pour protester contre la sidérurgie qui n’en ferait pas assez pour un environnement propre.

Dans la philosophie des deux Jeux Olympiques la torche, le chaudron,  la vasque et les anneaux font une unité. On ne sait pas encore quel sera leur sort après les Jeux Olympiques. 

Contrairement aux Jeux Olympiques de Londres où Arcelor Mittal avait chiffré son engagement de partenaire, on ne connait rien sur l’engagement financier de l’entreprise pour les Jeux Olympiques à Paris.

  • Inforama revient sur les Jeux Olympiques 2024 fin août avec un article sur les « Paralympiques », qui seront ouverts le 28 août 2024.
  • Un long portrait du PDG d’ArcelorMittal, Aditya Mittal, écrit par l’auteur de cet article, se trouve sur le site Linkedin de l’auteur en langue allemande

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