HOMMAGE AU COURAGE

Il y a des moments que personne ne souhaite vivre dans sa vie. Se trouver devant un cercueil et devoir prononcer un hommage pour quelqu’un qui a laissé sa vie pour sauver la vie de quelqu’un d’autre. Et pourtant cela arrive aux femmes et hommes politiques de tous les niveaux de la vie publique. Personne n’est préparé à cette situation et pourtant on ne peut pas l’éviter.

La salle multisports à Pontorson n’a plus de place sur les marches destinées au public. Les sauveurs-pompiers apportent des bancs pour le public qui est venu dire « adieu » à un homme qui a donné sa vie pour sauver celle d’une septagénaire à Pleine-Fougères. Les pompiers de la Manche et de Pontorson sont alignés en forme de parade. Des centaines de personnes en silence. Ce silence, ce vendredi 23 août 2024 dans la salle multisports de Pontorson pèse lourd. On sait que tout-à-l’heure on va porter un cercueil dans la salle, le cercueil avec la dépouille de Loïc Lenoir, un héros dira le ministre de l’intérieur, Gerald Darmanin, plus tard dans l’hommage pour ce sapeur-pompier.

 Nous sommes dimanche, le 18 août 2024. Loïc Lenoir n’est pas de service. Il se trouve avec sa voiture à Pleine-Fougères, près de la poste lorsque les barrières du train se ferment. Une septagénaire tombe en plein milieu de la voie ferrée.  Loïc Lenoir ne connait qu’un seul réflexe: il sort de sa voiture, dégage la vieille femme des rails mais est lui-même happé par le train ; mortellement touché il succombe à ses blessures. A la caserne de Pontorson, Loïc Lenoir était le plus ancien bénévole avec 36 ans de service. « Il n’était pas en service, mais aider, secourir, c’était dans sa nature, comme c’est dans la nature des sapeurs-pompiers », dira le ministre dans son hommage faisant comprendre que des hommes comme Loïc Lenoir sont toujours de service, qu’ils répondent présent quand il faut agir, sans se soucier du moment. Cet esprit-là, Loïc Lenoir l’a payé de sa vie.

C’est un moment lourd dans la salle multisports à Pontorson. Gerald Darmanin a le visage fermé lorsqu’ il salue les drapeaux et lorsqu’il prend la parade des hommes et femmes du feu. Ce sont les moments de solitude des élus et des représentants de la République où il faut être fort malgré l’émotion. Darmanin  se trouve devant le cercueil d’un homme qui a laissé sa vie avec le meilleur motif qu’on puisse avoir comme serviteur de la société : aider quelqu’un qui est en danger.  Le ministre accentue ce point en s’adressant à la femme du défunt, à ses enfants et ses petits-enfants.

Dans ces moments il y a le cérémoniel avec un protocole millimétré qui aide. Un protocole parfait avec des membres de la préfecture, du ministère et des pompiers qui s’occupent jusqu’au détail des personnes assistant à la cérémonie. Les pompiers se plient à un cérémoniel militaire. Lorsque Gerald Darmanin prend la parade on entend la marche de Buce une musique classique moins lourde. Cela change lorsqu’on porte le cercueil dans la salle accompagné par la marche funèbre. Remarquables, les jeunes filles en uniforme de sapeurs-pompiers derrière le cercueil qui portent les distinctions de Loïc Lenoir. Remarquables, les casques brillants que les pompiers de la Manche et de Pontorson ont mis et remarquable, le moment où son casque est mis sur le cercueil, remarquable aussi, le moment où Gerald Darmanin donne ce casque à la femme du défunt. Ce sont des gestes qui rendent supportable l’ambiance  qui règne autour du cercueil. Le public réagit différemment: on peut voir des larmes qui coulent.

Avec sa mort, il y a des distinctions qui pleuvent à titre posthume: citation à l’ordre de la nation / nomination en grade de Chevalier de l’Ordre National du Mérite / Médaille de la Sécurité Intérieure, échelon or / Médaille d’honneur pour ses services exceptionnels avec rosette, échelon or / Médaille pour acte de courage et de dévouement, échelon or / Médaille pour reconnaissance fédérale, échelon or / Médaille d’honneur de l’Union Départementale des sapeurs-pompiers de la Manche.  

La journée d’honneur pour Loïc Lenoir avait commencé à 14 heures. Dans toutes les casernes, les hommes du feu gardent une minute de silence. L’église pour la messe après la cérémonie républicaine n’a jamais été aussi pleine avec un nombre innombrable de gerbes. Loïc Lenoir fut apprécié. 

Caporal Chef depuis le 1^er janvier 2008, il est nommé Sergent à titre posthume.  On se souviendra de Loïc Lenoir lors de la fête de la Sainte Barbe lorsqu’on citera son nom avec la réponse « mort au service ».