40 Ans De Jumelage Franco / Allemand – Le Modèle De l’Artisanat

Ils ont passé une semaine dans la Manche, vécu dans des familles, travaillé dans des entreprises de l’artisanat. Ils : c’est un groupe de 12 apprentis sarrois, qui sont arrivés le 10 octobre et qui ont quitté la Manche le 21. Le lendemain de leur arrivée ils se sont mis au travail : coiffeuses, pâtissières, boucher, mécanicien automobile, menuisiers, maçons, électriciens et mécanicienne de précision.  Une intégration dans les entreprises qui se fait d’autant plus facilement que tout le monde se trouve à la fin de l’apprentissage et s’adapte facilement à de nouvelles méthodes de travail.

Helmut Zimmer, président de la Handwerkskammer Saar (à gauche) et Jean-Denis Meslin, président de la CMA Normandie-Manche pendant le diner d’adieu à la fin de la visite de la délégation officielle de la Sarre et du stage des apprentis sarrois.

Pas facile pour arriver dans la Manche, ce 10 octobre 2024. Tout va bien ce jour-là pour l’ICE de Sarrebrück à Paris. Grace à une décision du gouvernement de Lionel Jospin de l’époque le trajet de grande vitesse entre Paris et Francfort passe par Metz et la capitale de la Sarre. Actuellement on attend une décision à Paris pour prolonger la ligne jusqu’à Berlin. Bien arrivés à Paris, la situation se corse. Une tempête a fait tomber des arbres et des branches sur les rails de Paris à Granville. On arrivera à Granville, fatigué et avec deux heures de retard. Néanmoins : le lendemain matin on se présente au travail. Ce sont 11 entreprises de la Manche  qui se sont prêtées à l’aventure de prendre un stagiaire allemand. Et ce sont onze artisans manchois qui sont surpris par la volonté de leurs stagiaires de s’impliquer dans le travail.

Le système est bien rôdé. Cette année on fête les 40 ans de ce jumelage. Helmut Zimmer, président de la Handwerkskammer de la Sarre : « Au début des années 1980 nous avons cherché un partenaire en France pour un jumelage avec un homologue français. Et en 1984 nous avons conclu ce jumelage avec Coutances. Cette année, ce sont donc les 40 ans. Pour les fêter, nous sommes venus avec une délégation de 24 personnes indépendamment de nos 12 stagiaires. » Il faut dire que la Sarre est le Land le plus francophone en Allemagne.

Janna, ambassadrice de la formation professionnelle de la Bundeswehr et future mécanicienne de précision pendant le diner d’adieu à la fin du stage dans la Manche. . .

Jean-Denis Meslin, président de la chambre de métiers de Normandie-Manche: » Depuis 1984 nous avons échangé 400 jeunes. » Meslin, boulanger pâtissier, président depuis vingt ans, tient à cet échange. « Ce sont des apprentis. Ils viennent  ici pour continuer leur apprentissage dans le même métier, mais dans une culture différente. Ils vivent dans des familles d’artisans. C’est cela le grand avantage. Et : nous avons une obligation pour ces échanges, parce les relations entre la France et l’Allemagne sont importantes. Aussi parce que nous vivons en Europe. Les jeunes doivent voire comment c’est dans d’autres pays comme la France et l’Allemagne. Croyez-moi, lorsqu’ils partiront, il y aura très souvent des larmes. »

Maike apprend comment on fait de “vrais” croissants

Helmut Zimmer : « Cette année nous avons 12 apprentis  de plus de 18 ans qui se trouvent tous à la fin de leur apprentissage. L’année dernière nous avons accueilli en Sarre 14 jeunes Français.  Les jeunes Sarrois travaillent  pendant leurs stages dans leur métier, c’est à dire dans des boulangeries, chez un boucher, un autre chez un menuisier, ou chez des coiffeuses, dans le BTP  ou dans la production métallurgique. «  Zimmer avoue que des deux côtés cette échange est rôdé. Les entreprises intègrent les jeunes allemands sans problème parce que les procédés ne diffèrent  guère.

Le futur boucher Lewis se transforme en charcutier et produit des saucisses

Le jumelage se base sur des fondements stables : Les deux présidents sont unanimes : « on va continuer, cela marche bien.  Et Zimmer ajoute : « Les apprentis qui ont fait cet échange ont changé  quand ils rentrent chez eux. Les chefs d’entreprise remarquent bien qu’ils sont plus sûrs d’eux. La semaine en France a un effet positif sur nos apprentis. » Une observation que Meslin partage : « quand nos jeunes rentrent de l’Allemagne, ils ne sont plus les mêmes. Ils se responsabilisent. »

Bien que cet échange fonctionne bien, il y a toujours beaucoup de travail à l’arrière scène à faire. Puisque la visite se fait dans la Manche,  la visite du Mont Saint Michel, aussi bien que celle de la ville de Saint Malo sont des « must » pour la délegation sarroise. Un tour en bateau fait aussi bien partie du programme touristique. Deux interprètes sont continuellement présentes. Une guide allemande permet une visite « vip » de la Merveille.

 La Chambre des Métiers Normandie-Manche (CMA) dispose d’un élu expérimenté dans la matière. Benoît Rabel, élu de la chambre de la Manche, élu de la chambre régionale et président de la commission internationale de la CMA est né avec des gènes franco-allemandes. Son grand-père était maire de Huisnes-sur-mer pendant la Deuxième Guerre Mondiale, ce qui n’était déjà pas une mince affaire. Après la guerre il expliquait à son conseil que la guerre était finie, qu’on ne pouvait pas continuer éternellement se disputer avec les Allemands. Son père défunt, ancien premier adjoint de St. James,  a développé le jumelage  avec Erkrath, devenu Erkelenz, près de la région d’Aix la Chapelle dans la Baie d’Aix la Chapelle. C’est Benoît Rabel maintenant qui est un des piliers dans les relations franco-allemandes. Il peut pourtant compter sur une administration qui a de l’expérience dans la matière.

Chantal coupe les cheveux d’une tête normande

En arrière plan c’est Pôle Emploi qui s’implique dans l’accompagnement.  Annette Enzner a travaillé pendant 20 dans la mode à Paris. Depuis quatre ans elle se retrouve dans la Manche comme conseillère accompagnatrice de Pôle Emploi.  Annette Enzner est allée à Sarrebrück pour rencontrer le groupe, pour l’accompagner  durant le voyage. Pendant le séjour dans la Manche elle est présente pour les staiaires. Son opinion : « Cette année nous avions un bon groupe, qui s’est bien intégré dans les entreprises. On s’est bien entendu à l’intérieur du groupe. » Une observation soutenue par Sandra Noel, assistante de la présidence de la CMA Normandie-Manche : « Ils sont toutes et tous à la fin de leur apprentissage. Ce sont des jeunes mûrs. Nous en avons parlé. Il faudra peut-être se concentrer sur cette tranche d’âge dans l’avenir. »

Lars se retrouve à sa place de travail dans une menuiserie

Mais qui sont ces jeunes gens ? Ils sont tous à la fin de leur apprentissage, vont  passer leurs examens finaux d’ici six mois. Pour la première fois il y a deux Allemands qui font leur apprentissage dans les services de la Bundeswehr. L’armée allemande a créé un service civil pour la formation. Avec le diplôme à la fin de l’apprentissage, les diplômés peuvent décider s’ils veulent entrer dans la Bundeswehr ou trouver un emploi dans l’économie civile. Janna et Dominic, l’une future mécanicienne de précision, l’autre futur mécanicien de l’automobile sont les deux ambassadeurs de la formation professionnelle de la Bundeswehr. Le chemin professionnel de Janna semble déjà être tracé.

Lewis sera un jour boucher en Sarre. Dans la Manche il se développe en charcutier, apprend comment on fait des boudins blancs, ou les boudins noirs avec oignons et avec des pommes. Simon deviendra  électricien. Il constate que les normes entre les deux pays sont très différentes. Maike va retourner en Sarre sachant comment on fait de « vrais » croissants. Léonie, la future coiffeuse est totalement convaincue de son stage. Elle a trouvé une vraie symbiose avec Isabelle du » salon Isa » à Percy. Léonie est tellement convaincue de sa semaine de stage qu’elle n’exclut pas de retrouver un jour le chemin pour la France.  

Visite de la delegation officielle dans l’église de l’Abbaye

Il n’y a personne dans ce groupe allemand qui regrette d’être venu en France. Au contraire : » Le travail est le même, il faut qu’on le fasse. Mais la façon de faire est différente. Le ton n’est pas le même, la pression qu’on éprouve très souvent en Allemagne n’existe pas et à la fin on arrive néanmoins au même résultat. »  C’est cela dont les deux présidents parlent quand ils évoquent le changement de comportement des stagiaires après leur séjour à l’étranger.  Cependant, c’est quand même étonnant. En général  les Allemands ne parlent pas français et les Français ne parlent pas allemand. Alors comment font-ils ? On sourit, prend le smart-phone  et ouvre l’application de traduction Google. En plus, on voit comment les autres font, on est quand même professionnel  dans la même matière.

. . .et encore une fois Janna à sa place de travail.

Reste un problème. Comment a-t-on réglé les questions d’assurances et de paiement ? D’abord : tous les frais de ce stage sont pris en charge par les chambres.  La formation en France est une affaire d‘école, en Allemagne un contrat privé. Helmut Zimmer : « Les Allemands sont traités comme en Allemagne pendant leur stage en France. On les libère pour le temps du stage de leur travail en Allemagne et les envoie travailler en France. Ils continuent avec le statut de leur entreprise.  Les assurances et le salaire continuent comme s’ils étaient en Sarre.  C’est la même chose pour les Français en Allemagne. Nous avons trouvé une solution pragmatique ». Et cela fonctionne depuis 40 ans. D’ailleurs : le retour en Allemagne ne se fait pas en train. Les apprentis rentrent en Sarre avec la délégation officielle par le bus.

Les entreprises qui ont participé

Le salon Isa ; Art Coiffure ; Boulangerie Lemonnier-Percy;  Romain « Le Fournil de Georges » ; La Boucherie Dugardin ; Peugeot Lebedel, Villedieu ; Au Meubles du Moulin ; La Tiny House ; @Sarah Romuald ; @Patrice Cahu ; FPMA Mécanique de précision.

Le premier participant

Invité d’honneur, Daniel Leroux sur la photo avec le président Meslin, est un des premiers participants du premier échange 1984 avec la Sarre. L’expérience du stage en Sarre l’a amené  à passer plus tard deux ans à Würzburg en Bavière. « J’ai appris à me responsabiliser dans mon travail ». Et il admet que l’expérience allemande l’a amené à devenir maitre de l’artisanat.

Le moment de repos

Il n’a pas chômé. Pendant 10 jours il était partout, programme dans la main. Benoît Rabel était l’homme de l’ombre, l’organisateur, le metteur en scène. Il était partout. La photo le montre dans un des rares moments de repos. Mais : à la fin, toute la délégation officielle de la Sarre était enchantée et les stagiaires plus que contents d’avoir osé une aventure professionnelle dans un pays inconnu. La barre est haute pour la Sarre l’année prochaine quand les Français vont y aller.

La photo principale

Se trouvent sur la photo principale: les stagiaires Jolien, Janna, Chantal, Lars, Dominic, l’accompagnatrice Annette Enzner, Lewis, Christian, Maike

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One thought on “40 Ans De Jumelage Franco / Allemand – Le Modèle De l’Artisanat

  1. Merci Helmut pour cet article élogieux. L’ombre me va bien et comme je l’ai dit à la fin du séjour : » quand on fait avec le cœur, il n’y a jamais de peine ! »

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