Le troisième dimanche du mois de novembre est le jour de deuil en Allemagne. C’est une journée calme où tout est fermé. La vie sociale s’arrête carrément. C’est la journée où on pense aux soldats morts à la guerre avec des cérémonies officielles par exemple avec une réunion extraordinaire du parlement, le Bundestag.
C’est une journée spéciale aussi à Huisnes-sur-mer où se situe le cimetière allemand. C’est un cimetière militaire qui sort de l’ordinaire. Bâti en forme de cercle d’un diamètre de 47 mètres, comportant 68 cryptes sur deux niveaux, il s’agit d’une nécropole – la seule en France –. Ici reposent 11.956 allemands de la Seconde Guerre Mondiale. Ce ne sont pas uniquement des soldats mais aussi des femmes et des enfants qui sont morts dans des camps d’internement.
Les corps proviennent des départements du Morbihan, d’Ille-et-Vilaine, de la Mayenne, de la Sarthe, de Loir-et-Cher, d’Indre-et-Loire, de la Vienne, de l’Indre, de la Vienne, ainsi que des îles Anglo-Normandes de Guernsey, Alderney, Jersey, et Sercq, qui ont été transférés par les services du Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge à partir de 1961 vers la nécropole. Le mémorial a été inauguré le 14 septembre 1963.
Ce samedi 16 novembre 2014 on trouve les anciens combattants d’Avranches à la nécropole. « C’est un honneur de participer à la cérémonie », expliquent-ils. Jadis, dans un discours en Allemagne, le président Mitterrand avait honoré les soldats allemands comme « braves ». Aujourd’hui les anciens combattants français honorent les adversaires de l’époque dans ce sens. La présence d’anciens combattants d’Avranches est un symbole. Le 25 juillet 1944, l’armée américaine avait commencé l’opération Cobra avec la bataille d’Avranches. Cette offensive avec la percée du front défensif des troupes allemandes a joué un rôle décisif pour la libération du Sud-Manche et a ouvert le chemin vers la Bretagne, Saint-Malo et les îles Anglo-Normandes avec de lourdes pertes allemandes dont les victimes se trouvent dans la nécropole de Huisnes-sur-mer.
Ce sont deux discours remarquables d’apaisement du maire du village et du lieutenant-colonel Martwich dans le grand cercle intérieur où les anciens combattants ont pris position en deux demi-cercles. Et – étonnant pour les français dont la culture exclut la religion pendant des cérémonies officielles – c’est le pasteur de la paroisse de l’église protestante d’Avranches, qui invite à une prière, « Notre Père qui es aux cieux. . . » L’armée allemande inclut les religions, les prières et les messes.
La cérémonie en l’honneur de ces 11.956 soldats, femmes et enfants se termine avec un chant qui est réservé pour le jour de deuil : « Ich hatte einen Kameraden, einen besseren gibt es nicht. . . (J’avais un camarade, il n’y en a pas de meilleur) ». Un chant de 1829 qui correspond au chant des partisans dans son importance, mais qui est uniquement chanté dans les cérémonies de jour de deuil.
La cérémonie à la nécropole de Huisnes-sur-mer dure quelques 45 minutes, mais elle est lourde de symboles. Elle se déroule dans un calme absolu. Tout le monde se tait. Mais il faut dire que le lieu n’invite pas à parler. On y entre en se taisant et on ressort sans parler. 11.956 morts pèsent lourdement.
Remarque
La photo de présentation montre les gerbes de l’ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne, du sous-préfet Pierre Chauleur, du maire de Huisnes-sur-mer et du maire d’Avranches