La Banque Centrale Européenne (BCE) a augmenté encore une fois ses taux d’intérêt. C’est la dixième fois qu’elle y touche depuis le printemps 2022 pour lutter contre une inflation galopante. Il faudrait regarder cette augmentation sous plusieurs points de vue, notamment sur les conséquences pour le citoyen « lambda ». Il souffre d’une perte de la valeur de son épargne et d’une perte de son pouvoir d’achat.
Regardons d’abord que la BCE avait longuement sous estimé le danger de l’inflation. En novembre 2021 l’inflation en Allemagne avait atteint 11 % . La directrice de la BCE, la professeure d’économie Isabelle Schnabel, avait alors essayé de calmer le jeu à la télé allemande en supposant que le pic serait atteint au début de 2022. Le conseil de la BCE ne décide rien. Une erreur.
A cette époque la situation de l’inflation s’explique par la reprise de l’économie à la fin de la crise Covid, par la crise Covid mal maitrisée en Chine, par un manque de matériel et de produit en Europe qui – cumulés – faisaient grimper les prix. La guerre de l’Ukraine crée en plus une crise d’énergétique qui fait flamber les prix de production aussi bien pour l’industrie que pour les commerces que pour les ménages. La réaction de la BCE est rapide et brutale avec des augmentations des taux en série. Elle arrive par une réaction tardive suite à la méconnaissance de la situation fin 2021 et suite à la de l’Ukraine au moment où à Francfort on avait prévu le pic de l’inflation.
Au mois d’août le taux d’inflation en France s’élève à 4,9%. Les ménages par contre sentent une augmentation beaucoup plus élevée dans l’alimentation et l’énergie. Si on regarde l’alimentation, on trouve une augmentation de 12 % par rapport à 2022. Elle avait déjà connu une augmentation de 14 % en 2021. Et actuellement on vit aussi des prix forts. Sur la durée de temps on connait alors une augmentation totale de 30 %, sur certains produits même 40 %. Et même si le taux d’inflation baisse, les experts prédisent déjà que les prix dans l’alimentation resteront élevés.
On aime poser la question « à qui la faute ? »
Dans ce système il n’y a jamais un seul responsable. Regardons l’industrie de la transformation avec les frais des outils de travail, avec les investissements, le paiement des crédits et encore une fois les frais d’énergie et de maintenance des usines.
Jetons un coup d’œil sur la grande distribution avec des frais énormes: on oublie facilement que la lumière, que les armoires frigorifiques, le stockage des frigorifiques, les caisses et l’informatique sont de grands consommateurs d’électricité et coûteux en soi. Et n’oublions pas le personnel qui veut être payé.
Regardons les fruits et les légumes sur les marchés. L’agriculteur figure parmi les plus touchés. Enumérons : le matériel, les bâtiments, les engrais, la nourriture des animaux, le gaz, l’électricité, etc. etc.
Et enfin le transport. Sans les camions les rayons resteraient vide. Sans les camionettes les commandes d’Amazon ne seraient pas livrées. Mais le prix pour un plein en France figure parmi les très élevés en Europe.
Partout on trouve les mêmes inconvénients. En somme l’inflation touche tout un système filigrane de l’économie d’un Etat. On aimerait bien trouver un responsable dans ce système filigrane. Il n’y en a pas un seul responsable, même si le ministre de l’économie voudrait bien faire semblant d’y croire. Mais son action qui fait pression par exemple sur la grande distribution, fausse le jeu.
Les dix augmentations du taux d’intérêt pour combattre l’inflation sont la conséquence d’un changement radical de la politique de la BCE. Lors de la crise financière en 2007 le célèbre chef de la banque, Mario Draghi, avait lancé le fameux slogan « Whatever it costs » qui est devenu le slogan aussi célèbre en France « Quoi qu’il en coûte ».
Rappelons-nous : suite à la crise financière aux USA en 2007 sur le financement des maisons, aucune banque ne faisait plus confiance à une autre. Draghi injecte d’abord un billion d’Euros (mille milliards) dans le système bancaire et va ensuite inventer un système d’argent facile. Pour expliquer simplement : les banques peuvent acheter des obligations des Etats et les vendre ensuite à la BCE. De cela se développe un système pervers. Ce n’est pas l’Etat qui paye des intérêts mais ce sont les banques qui payent l’Etat pour pouvoir reprendre sa dette.
C’est la naissance de l’argent facile et des taux zéro. En fait c’est le financement des Etats, même si on ne le mentionne pas comme cela, parce que le statut de la BCE l’interdit. Au lieu de regarder la stabilité de l’argent on augmente la masse d’argent, ce qui crée quasi automatiquement une inflation. Pendant six ans la BCE a fait une politique budgétaire pour les Etats et de soutien de l’activité, contrairement à ces statuts. Le « succès » en est une augmentation des dettes des Etats, des communes et des entreprises, mais aussi une explosion du bilan de la BCE. Mais : avec l’argent facile on crée une conjoncture économique et un budget d’Etat dépendant de la banque à Francfort, où les gouverneurs des banques centrales des pays concernés font la loi. On connait ces discussions entre Allemands, Néerlandais et d’autres conservateurs, nommés des « faucons » qui ont combattu ce système et les autres qui en ont profité. La France a vu augmenter les dettes à 98,1 % de son PIB et s’est installée dans une spirale d’endettement. Une politique qui se venge maintenant parce que le système arrive à sa fin. Jusqu’en 2027 les intérêts que la France doit payer vont doubler, écrit le très sérieux journal économique « Les Echos ». Ils dépasseraient le budget de l’éducation nationale.
Et même si l’Etat donne des chèques aux ménages, cela a des conséquences. L’économiste américain Milton Friedman a parlé de « hélicoptère money» dans les années 1950. La subvention directe, symboliquement l’argent qui vient du ciel, distribué par des hélicoptères, augmente en fait les dettes de l’Etat que des générations futures devront payer par leurs impôts.
Les dix augmentations des taux d’intérêt de la BCE sont un retour à la politique classique de la lutte contre l’inflation. Le jeudi 14 septembre 2023 la banque a augmenté ses trois taux sur des montants record. Lorsque les banques placent de l’argent à la BCE ils reçoivent des intérêts de 4 %. Lorsqu’elles se refinancent, elles payent 4,5 %. Le taux marginal – le taux le plus élevé pour les banques – est fixé à 4,75 %. La BCE table sur une inflation de 5,6% dans l’Eurozone cette année. Elle a déjà augmenté ses prévisions d’inflation pour 2024 de 3,0 à 3,2 %.
La France table sur un taux d’inflation de 4,9 % au mois d’août. En juillet elle était à 4,3%. L’estimation était à 4,8 %. Pour l’année prochaine on la voit à 2,6%. Estimation douteuse, parce qu’il y a peu de chance que les tarifs de gaz, de l’électricité, du pétrole baissent et de suite l’almentation coûterait moins cher. Tous les experts prédisent que les prix d’alimentation resteront élevés. La baisse en France est artificielle à cause des interventions coûteuses de l’Etat.
Qu’est-ce que cela veut dire pour les clients des banques, pour les demandeurs de crédit ou pour les acheteurs de l’immobilier ?
Il faut savoir que l’Euro a apporté une stabilité de l’argent que la France n’avait pas connue jusque là dans la 5ème République. Toutes les générations vivantes ou naissantes après 2002 ont eu l’Euro dans leurs poches et ne se sont pas souciées de la stabilité de leur argent. Avec l’inflation tout ceci est terminé. Le taux d’épargne est largement en dessous de l’inflation, les 3% du livret A font perdre de l’argent. Le refus du ministre de l’économie Bruno Le Maire de l’augmenter prouve qu’il s’agit d’un taux politique. Les intérêts n’égalisent plus la perte de la valeur de l’argent. La ruée actuelle vers ce produit d’épargne se comprend néanmoins parce qu’il limite les pertes.
Même chose avec la rémunération des parts de sociétaires. A Pontorson ils se retrouvent avec une rémunération de deux, et 2,2 %, ceci à l’encontre d’une inflation de 4,9 % ou 12 % pour l’alimentation. C’est un produit d’épargne du CIC qui arrive tout juste à égaliser le taux d’inflation.
La BCE se trouve dans un piège parce qu’elle a réagi trop tard. La dixième augmentation des taux d’intérêt arrive à un moment où la conjoncture de l’économie fléchit. Pendant la réunion du 14 septembre 2023 des voix mettant l’économie et les budgets nationaux en avant, se sont fait de nouveau entendre. L’augmentation des taux ne faisait pas l’unanimité. Le gouverneur de la banque fédérale des USA (FED), Jérome Powell, a fait savoir qu’il n’exclu pas d’autres augmentations des taux.
Si les épargnants ne trouvent plus leur satisfaction, ce n’est pas non plus le cas dans le financement de l’immobilier. Les taux d’intérêt s’approchent de 5% et peuvent même les dépasser. Sur le plan national on constate un net recul des demandes d’achat d’appartements ou de maisons, par manque d’acheteurs qui ne peuvent plus trouver et payer le financement.
La gouverneure de la BCE, Christine Lagarde, a fait comprendre que sous certaines conditions on pourrait encore une fois augmenter les taux d’intérêt de la BCE. On avait ciblé une inflation de trois pour cent pour l’année 2024. Actuellement l’inflation remonte lentement. Entre temps on calcule avec 3,2%. Ce serait le scénario pour une nouvelle augmentation. On peut prévoir qu’on aura bientôt une discussion sur les banques et sur le fait que l’épargnant soit le perdant dans cette situation.
Il y a un autre problème qui se soulève avec une inflation galopante comme on l’a déjà connu : le problème des salaires. On y connait le problème de la spirale de l ’inflation et des salaires. Les Allemands ont résolu le problème avec des augmentations des rémunérations autour de 13 %, sur une période de 24 mois. Le salaire minimum s’élève à 1.584 Euro par mois, 12 Euros par heure. Les premières voix se prononcent pour une augmentation modérée du salaire minimum. Les retraites ont été augmentées de 4,5 % au mois de juillet. Les sommes ne diffèrent pas beaucoup entre la France et l’Allemagne, mais le niveau des prix fait la différence.
De l’autre côté du Rhin on fait un plein de diesel pour entre 1,69 Euro et 1,74 Euro le litre de diesel. Les prix varient plusieurs fois par jour. Au Luxembourg le prix du litre diesel s’élève à 1,73 Euro. En Espagne le prix moyen pour un litre de diesel est de 1,78 Euro. En Pologne le prix de litre s’élève en moyenne à 1,38 Euro (6,45 Zloty).
A Pontorson dans la baie du Mont Saint Michel on paye 1,93 Euro pour un litre de diesel..