VINCENT BICHON N’EST PAS CONTENT

Le maire délégué de la commune de Pontorson et vice-président de l’agglomération Avranches/Mont-Saint-Michel, Vincent Bichon, est un homme qui se fâche rarement en public. Il est connu comme quelqu’un qui maîtrise à fond les questions de la finance publique et qui est un expert quant aux questions de l’eau et de la mer dans la baie du Mont-Saint-Michel. Il sait expliquer dans le détail des problèmes techniques et politiques et est apprécié pour ces qualités. Mais à la réception du maire de sa commune au début de l’année il a fait connaître son amertume – une position qu’il a répétée lors de le réunion du conseil municipal de Pontorson lors du 24 janvier 2024. De quoi s’agit-il ?

Le cours d’eau du crée un nouveau paysage maritime.. (c) wy.

La situation de la protection des côtes et de l’assainissement des eaux est assez difficile dans la baie. Sans qu’on veuille l’admettre officiellement, la philosophie de « renaturaliser » la baie pour lui rendre « le caractère insulaire et maritime » crée des problèmes qui se font déjà voir et qui augmenteront à l’avenir. On remarque que le niveau de la mer augmente et on sait qu’il faut se protéger contre des phénomènes comme de fortes tempêtes qui arriveront plus souvent.

C’est un problème qu’on voit aussi quand on roule sur le pont de Normandie. La Seine quitte régulièrement son lit et récupère des terrains de plus en plus larges à droite et à gauche parce que la mer montante empêche la Seine de se jeter dans Manche. En temps de pluie le phénomène se renforce parce que le débit de la Seine est plus grand. La conséquence: la Seine arrache la faune et laisse derrière elle une terre nue et dévastée que ses eaux enlèvent peu à peu.

On peut observer la même situation avec le Couesnon. Lorsque le barrage du Mont-Saint-Michel est fermé l’eau monte visiblement et couvre la faune. Lorsqu’on ouvre les Vannes le courant est tellement fort que l’eau arrache la faune des rives. Ce qui reste c’est la terre nue. Elle sera enlevée peu à peu par les eaux. Ces effets vont se faire voir assez vite.

Le courant du Couesnon a le même effet autour du monument dans les terres du côté normand. De petites baies se sont déjà creusées. Le courant n’enlève pas seulement la tangue que la mer amène. L’influence du Couesnon grapille aussi les terres. Les éleveurs parlent déjà ouvertement de leur peur pour les moutons et agneaux.

 Les phénomènes des marées sont visibles à beaucoup d’endroits. La baie est plus grande que ce bout du Couesnon qui s’apprête à se jeter dans la mer à partir de Pontorson. La baie dans le sens propre va jusqu’à Cancale, dans un sens large jusqu’à Saint Malo. Impossible de traiter ces problèmes uniquement sur le plan local. Mais pour le faire de façon adaptée au plan des différents territoires il faut des structures. Et c’est là que le bât blesse. Les maires de Sartilly, de Pleine-Fougères, de Saint-Malo peuvent très bien savoir ce qu’il faut faire. Ils se trouvent en face d’une myriade de compétences, d’organisations, d’obstacles qui leur enlèvent la possibilité de trouver les décisions de bon sens qui s’imposent.

Demande claire au député Bertrand Sorre: “Terminez le mille feuilles administratif
et contradictoire”; (c) wy.

Pour travailler dans la grande baie, il faut une véritable coopération « transfrontalière ». La baie du Mont-Saint-Michel ce sont deux régions avec la Manche et la Bretagne, ce sont deux départements avec le département de la Manche normand et le département d’Ille et Vilaine breton, ce sont en plus trois syndicats avec la communauté des communes de Dol de Bretagne et de la Baie du Mont-Saint-Michel, avec l’agglomération d’Avranches et du Mont Saint Michel, et l’agglomération de Saint Malo. Par nature ces trois organismes ont des intérêts différents, des travaux différents à faire pour la protection des côtes, pour protéger les intérêts de l’économie maritime. C’est l’Unesco d’abord avec ses exigences pour garder le caractère l’environnement du monument. C’est la cour des comptes bretonne, qui reconnaît une incohérence dans les statuts du syndicat manchois. C’est l’entreprise publique du Mont-Saint-Michel avec ses prérogatives des ministères de la culture et de la transition écologique. On ne peut que s’égarer dans ce labyrinthe.

Pour ne pas s’y perdre on a créé en 2020 « le syndicat mixte de préfiguration du littoral de la baie du Mont-Saint-Michel. Le but: trouver une politique harmonisée pour la baie du côté normand, les polders du côté breton, le territoire de Cancale avec ses vastes plages ou la route du littoral est en même temps la digue pour protéger les villes comme St Benoît-des-Ondes ou Le Vivier-sur-mer qui sont menacées de submersion en cas de tsunami. Les statuts ont été rejetés par la cour des comptes bretonne qui ne les trouvait pas compatibles avec la législation. Dans l’arrière pays de Saint Malo la Rance a conquis de larges parts de terre qui sont submergées quand le barrage est fermé et que la mer rentre dans la rivière.

L’espace pour les moutons se réduit dans la Baie. (c) Dominique Bretteville

Vincent Bichon en a marre de toutes ces organisations qui se mêlent des affaires que les élus locaux pourraient – vu leurs expériences – résoudre beaucoup plus facilement. Dans son discours pendant la réception du nouvel an du maire de Pontorson il s’adresse directement au député Bertrand Sorre qui y est présent.  « Il faut stopper le mille-feuilles réglementaire qui réduit l’élu local à ne plus avoir à valider des réglementations parisiennes qui parfois se contredisent. »

Le syndicat mixte s’est mis au travail en développant des plans adaptés aux situations des territoires. Bichon: « Il vient de débuter un plan d’adaptation de Roche Torin à St. Jean-le- Thomas qui s’étalera sur 10 ans,. Un plan beaucoup vaste pour le secteur du Couesnon réunit trois agglomérations pour un plan du territoire de la Roche-Torin à Cancale. « Lui aussi va durer 10 ans. Pour ces plans il faut de l’expertise locale mais pas une administration qui s’en mêle avec des directives.

Nous avons tout juste

le droit d’exécuter”

Vincent Bichon

Trois semaines après son intervention à la réception il se retrouve avec le même sujet dans le conseil  municipal de Pontorson. Il s’agit de la station d’épuration d‘Ardevon et de la question ce qu’on va faire des eaux épurées de la station. Une classification européenne a déterminé la masse d’eau. Cette classification oblige l’agglomération – qui est responsable des eaux -à faire les travaux sous les règles françaises du code de l’environnement. La proposition par satellite est de bâtir un canal tout droit vers le Couesnon. La rivière dispose du débit nécessaire pour acquérir ces eaux nettoyées et les diluer. La construction du nouveau canal demanderait un investissement de 400 000 Euros.

Par contre il existe un canal naturel qui pourrait transporter ces eaux. Pour Vincent Bichon un exemple typique où on prend des décisions sans l’expertise locale. Bichon au conseil municipal : « Les experts n’ont jamais été à Ardevon pour regarder la situation. Tout se fait par satellite. Nous avons tout juste le droit d’exécuter ».

Le Couesnon à Pontorson. qui doit recevoir le rejet directe des eaux traitées de la station d’épuration d’Ardevon. (c) wy.

Peut-être cela ne se passe pas comme ça cette fois-ci. Pontorson dispose de quatre membres dans l’assemblée de l’agglomération qui pourraient facilement convaincre ses collègues d’économiser 400 000 Euros. D’autant plus que cette communauté est à court d’argent.

Cette version de l’article a été corrigée par rapport à la premièere publication

   

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