Un ministre mécontent et le contrat social de la SNCF

Mais qu’est-ce qu’il fait, le ministre de l’économie, de l’énergie, des finances etc. ? Bruno Le Maire s’active partout et crée des discussions parfois inutiles. Dernière en date : l’accord à la SNCF sur les retraites des cheminots. Un accord très favorable pour les cheminots qui leur permet d’arrêter de travailler longtemps avant la retraite avec un salaire presque complet. Un accord conclu entre l’entreprise et tous les syndicats de la SNCF. Une rareté. Et le ministre de l’économie s”en mêle.

Le ministre Bruno Le Maire a déclaré dans un de ses livres, qu’il avait publié après sa nomination, qu’il ne sera pas le directeur général de l’économie française. En fin de compte il a succombé à la tentation. L’interview qu’il a accordée à la journaliste Apollinaire de Malherbe sur BFMTV était l’une des plus claires dans ce sens. Il s’étonne qu’un PDG d’une entreprise publique conclue un accord avec les syndicats sans informer le ministre de l’économie qui est . . .Bruno Le Maire. Et puisque le PDG de la SNCF a justement osé faire cela, Bruno Le Maire annonce devant les caméras qu’il a convoqué le PDG de cette entreprise au rapport. Il met en question un homme qui depuis deux ans rapporte des milliards de bénéfices et semble arriver à pacifier son entreprise.

Le ministre de l’économie est mécontent. Il n’a pas été informé du nouveau contrat social de la SNCF.

Mais l’affaire n’est pas si simple que cela. Bruno Le Maire n’est peut-être pas élégant dans la forme, mais pourrait avoir raison dans le fond.

Regardons la situation en détail. La France se trouve devant les Jeux Olympiques. C’est une situation inouïe pour les syndicats de jouer un chantage sur tous les échelons. Le principe en est : « je demande et si je ne l’obtiens pas, je fais grève pendant les Jeux Olympiques. » On connait ce système. Les syndicats britanniques l’ont exercé aussi avant les Jeux Olympiques de Londres. Seulement : l’Etat français vit d’un côté avec des dettes énormes, des dépenses qui dépassent les recettes de l’autre côté et il doit faire fonctionner le pays cet été, alors les syndicats français ne se gênent pas. Il faut dire qu’ils ont de l’expérience en la matière. Pendant 23 ans sur 25 on a connu des grèves à la SNCF pour les vacances de Noël. Le système de chantage dans la fonction publique est devenu un outil normal dans les discussions sociales.

Alors ce sont les éboueurs de Paris, ce sont les policiers, ce sont les cheminots, c’est la RATP et enfin c’est la ville de Marseille qui croule sous des déchets dans les rues parce que les éboueurs font grèves au moment où la flamme olympique arrive et le monde jette son regard sur la ville. On ne s’en étonne plus, on s’y attend presque. Le système du partenariat social demande une responsabilité des deux côtés, patronat et syndicat. On peut avoir l’impression que les syndicats éprouvent leur responsabilité uniquement dans le chantage d’améliorer la situation des employés qui sur le plan européen est déjà favorable.

Jean Pierre Farandou avait entre autre la tache de pacifier la SNCF. Affaire conclu; Mais les politiciens français ne sont pas contents.

On sait qu’il faut travailler plus en France pour gagner plus et pour améliorer la situation économique et pour sauver à la longue le système des retraites. Les syndicats utilisent les Jeux Olympique pour réaliser leur demande « travailler moins et gagner plus ».  

Quelle est la solution trouvée dans l’entreprise SNCF qui émeut le ministre ?

Les effets de la dernière réforme gouvernementale qui décale les départs à la retraite, sont partiellement révoqués. Le nouvel accord, qui prend effet en janvier 2025 comprend deux volet avec des exceptions. Le principe en est simple. L’accord définit une période de préretraite partagé dans un temps de travail et un temps ou on s’arrête totalement mais est payé 75%. D’une part l’amélioration du régime de temps partiel pour la fin de la carrière, d’autre part la cession anticipée d’activité. L’accord pour tous les cheminots définit cette période de préretraite de18 mois dont les neuf derniers on ne travaille plus du tout avec un salaire payé à 75 %.

L’Etat subventionne fortément l’investissement dans les rails

L’accord connait deux exceptions. Pour des métiers pénibles on élargit la durée à trente mois. Ceci veut dire les contrôleurs vont en préretraite 15 mois avant la retraite recevant un salaire de 75 %.

Les contrôleurs disposent d’une fenêtre de 36 mois avant la retraite. C’est-à-dire trois ans avant la retraite commence une période de 18 mois de travail payés à 100 %, suivi d’une période de salarié préretraité paye à 75 %. Pendant les périodes de non travail la SNCF paye les cotisations. De facto préretraité le cheminot reste employé en pleins droits de l’entreprise.

Autre point de l’accord : de nouvelles grilles d’échelons d’ancienneté pour les cheminots, fonctionnaires et contractuels qui resteront encore à élaborées. Finalement un cadeau pour ceux qui délaissent un métier « pénible ». La SNCF va leur payer une indemnité forfaitaire dégressive entre 3.000 et 2.040 Euros. Cet accord a été signé par les quatre syndicats qui font le beau temps et la pluie chez la SNCF: la CGT, la CFDT, SUD-Rail et UNSA-Ferroviaire. Une situation exceptionnelle dans la situation syndicale de la SNCF. Le succès : la SNCF dispose d’un nouveau contrat sociale.

Les régions comme la Normandie par sa compagnie Nomad achètent les trains TER comme celui-ci qui fera jusqu’en octobre 2024 le trajet Paris-Pontorson aller et retour pour transporter des touristes au Mont-Saint-Michel.

Fin février 2024, Jean Pierre Farandou, le PDG de l’entreprise, avait annoncé durant la conférence de presse sur les résultats d’être à la recherche de cette « plateforme sociale » comme il l’appelle. Il y est arrivé.

Pourquoi le ministre de l’économie s’énerve-t-il ?

Le cas de la SNCF est un cas spécial dans le service public en France et en Europe. La SNCF est un Etat dans l’Etat, en même temps un laboratoire dans lequel les syndicats prennent le pays régulièrement en otage. Cette fois-ci c’est un PDG qui teste sa liberté qu’il possède envers le gouvernement.  

Les cheminots ont mis le président Macron dans une situation difficile dès le début de son mandat. Le conseil européen avait décidé de libéraliser le marché des chemins de fer en Europe et de privatiser les sociétés comme la SNCF. Cette directive prise au temps du président Chirac, signée par la France, avait été mise dans un tiroir et était tombé dans l’oubli. Le président Macron se trouva tout d’un coup devant la situation de devoir changer le statut de la SNCF, sans quoi la commission européenne aurait infligé des millions d’Euros d’amendes à la France et poussée devant la Cour de Justice Européenne pour non transposition d’une directive dans le délai prévu.

L’utilisation du train baissait en faveur de la voiture jusqu’en 2019. D’autant plus que la SNCF avait fermé la gare de Pontorson. Le maire de l’époque, André Denot négociait une ouverture pendant l’été pour attérir des touristes par le rail. Le concept paye véeritablemen depuis 2021 après la Pandémie Covid. Le chiffres pour 2023 ne sont pas encore connu, mais uniquement pour les mois d’été on parle de 28.000 passagers qui ont pris le train pour un trajet simple de 29 Euro.

La SNCF fut transformée dans une Société Anonyme (SA) à capital publique après des grèves massives des syndicats qui coûtaient des centaines de millions à l’économie française. Une SA dispose nécessairement d’un conseil d’administration qui surveille et administre l’entreprise. Le conseil d’administration dans le cas de la SNCF est composé entre autre par des hauts fonctionnaires de la République. Et puisque Jean Louis Farandou est en même temps président de ce conseil, on peut en conclure que le gouvernement savait que cet Etat dans l’Etat était en train de contrecarrer lourdement une réforme des retraites qui était né dans une lourde douleur.  

Pourquoi Bruno Le Maire tombe-t-il dans une gesticulation politique devant les caméras de BFMTV ?

La SNCF est bien une Société anonyme. Il est vrai qu’elle est profitable. Mais elle ne le serait pas sans de lourdes subventions payées par le gouvernement. Et en tant que ministre de l’économie et des finances il en porte la responsabilité. On a donc affaire à un triangle, les syndicats, la direction avec son conseil d’administration et le gouvernement. Les sommes sont considérables. Le site spécialisé sur les finances publiques, Fipeco, chiffre le coût total de la SNCF pour les caisses publiques à 20 milliards d’Euro pour l’année 2022. Le président de Fipeco, François Ecalle, énumère des subventions pour l’exploitation par les régions d’un montant de 6,8 milliards d’Euros. Le gouvernement subventionne les coûts de fonctionnement à hauteur de 3,3 milliards d’Euros. Ces aides sont destinés au fonctionnement des TER.

La SNCF evite la concurrence avec la Deutsche Bahn sur ces rails par des traiotées de réciprocités par exemple sur les destination de Francfort/M et Munich

Ce n’est pas tout. L’Etat et les régions achètent des TER, payent la « régénération » du réseau. Ecalle estime la somme à six milliards supplémentaires pour l’année 2022.

Lors du changement de statut en Société Anonyme à capital public, l’Etat a repris autour de 43 milliards d’Euros de dettes. François Ecalle explique dans son étude : ce sont des dettes de 30 milliards reprise au moment de changement de statut. La différence résulte d’un côté de l’accumulation des résultats déficitaires, de l’autre de l’investissement par emprunt. La somme de la dette a été réduite à 25 millions d’Euros. Mais les intérêts s’élèvent à 800 millions pour l’année 2022.

Dernier point des finances de la SNCF : l’entreprise reçoit 3,2  milliards d’Euros comme subventions pour équilibrer le payement des retraites. En 2022 la SNCF a payé 5,3 milliards d’Euros de retraites. La subvention de l’Etat est alors de 60 %.

En somme la SNCF a reçu autour de 20 milliards de subventions directes et indirectes des pouvoirs publics en 2022. La situation d’un PDG de la SNCF n’est donc pas comparable à la situation d’un PDG d’une entreprise privée. Ses bénéfices dépendent largement d’un allègement des coûts par l’Etat. L’accord trouvé avec les syndicats peut pacifier l’entreprise mais va à l’encontre de la politique sociale de l’Etat. Officiellement les coûts de cette pacification sont inconnus.

L’entreprise espagnol Renfe avec son train à grande vitesse AVE joue la concurrence en France avec 16 train par jour entre la France et l’Espagne.

 Un PDG de la SNCF a tout intérêt à discuter avant avec son ministre de tutelle. Mais : est-ce que son ministre de tutelle est le ministre de l’économie et des finances ? Devant les sénateurs Jean-Pierre Farandou explique que le ministre de transport et le premier ministre étaient au courant des négociations avec les syndicats. Que le ministre de l’économie le rappelle à l’ordre en direct devant les caméras d’une chaine de télé n’est pas seulement une question de style mais aussi une question de respect.  

D’ailleurs : Le mandat de Jean-Pierre Farandou se termine 12 mai 2024. Lui  aurait aimé faire un deuxième de quatre ans. Au lieu de cela le gouvernement prolonge son contrat jusqu’en septembre. Pourqoui ?  Farandou aura 67 ans cette année. La retraite du PDG est fixé à l’âge de 68 ans. Son contrat sera prolongé jusqu’après les Jeux Olympique. Actuellement un successeur n’est pas nominé.

C’est peut-être cela la différence envers d’autres pays industrielisés. On ne laisse jamais une entreprise – surtout avec plus de 150.000 employés – en attente sur l’avenir de ses chefs.   Paris par contre paralyse l’entreprise le plus important de transport du pays pour un événement sportif aussi important qu’il puisse être. C’est comme cela qu’on fait dans une politique hésitante et agissant sur le moment. Mais ce n’est pas comme cela qu’on agit dans l’économie.

L’Italie joue la concurrence en France sur le trajet Paris-Lyon-Turin-Milan avec son train à grande vitesse Frecciarossa, exploité par Trenitalia. Les trains italiens Frecciarossa 1000 partent de Paris Gare de Lyon.

Sources : Fipeco, Capital, Les Echos, BFMTV, SNCF

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