Un exercice au Mont – Décryptage

Un peu plus de 200 personnes concernées, un scénario catastrophe avec de nombreuses victimes : telle était la situation d’un exercice au Mont Saint-Michel le 30 mars 2023. Pour réaliser cet exercice, le préfet de la Manche avait déclenché le plan « Orsec », qui prévoit un scénario avec beaucoup de victimes.

Pourquoi un tel exercice ? La France se prépare aux Jeux Olympiques 2024. On sait que la flamme olympique va « naturellement » passer par le Mont Saint-Michel sur son chemin à travers la France. Normal que les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers et les organismes médicaux se préparent à toute éventualité. Pour ce faire il faut faire des exercices. Et après les exercices il faut en tirer les conséquences – que le public ne connaîtra pas d’ailleurs – parce que le contenu du « débriefing » ne sera pas publié.

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Le scénario prévoyait un mouvement de foule avec 600 personnes à évacuer du monument. Cette évacuation avait déjà lieu quelques 30 minutes avant l’exercice. Keolis avait mis en route des navettes nécessaires allant vides au Mont pour y prendre des touristes et les conduire aux parkings. En cas de catastrophe cela créerait des difficultés sur le pont d’accès avec les navettes, les voitures des pompiers et des Samu, roulant nécessairement beaucoup plus vite que les navettes qui en plus se croisent. On aurait donc un mouvement de foule à l’intérieur comme à l’extérieur du Mont Saint-Michel.

Lorsque, à 17 heures, les sirènes du Mont Saint-Michel ont déclenché l’exercice, le Mont était vide, les touristes partis, des élèves de Saint Lô et de Vire étant placés comme figurants blessés pouvant attendre les secours.

On sait qu’en temps normal les secours mettent jusqu’à 20 minutes pour arriver aux murs d’enceinte. Cette fois-ci les sapeurs-pompiers ont mis dix minutes de route de Pontorson pour y arriver, d’après leurs dires. Normal aussi, tout le monde avait des jours pour se préparer. Les derniers à arriver étaient une équipe de médecins de Saint-Malo, ils avaient le chemin le plus long.

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Christelle Chauvin, lieutenant des sapeurs pompiers volontaires de Pontorson était la première à voir la situation. « Tu m’entends ? Tu peux parler ? Tu as mal ? Où ? ». Les tâches en cas de catastrophes sont clairement définies. Les premiers venus évaluent la situation, les suivants s’occupent du secours et des premiers traitements. Cela a l’air d’une situation chaotique, mais chacun sait quoi faire. La police sécurise l’endroit de travail, les unités de sentinelle évacuent et escortent le transport des civières.

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La jeune fille, couchée par terre joue formidablement son rôle, « mal aux côtes » dit-elle de faible voix. Christelle Chauvin lui donne un carton jaune, ce qui veut dire blessée mais la vie n’est pas en danger. Les infirmières vont s’occuper d’elle plus tard. Le déroulement peut paraître cruel, mais les cartons jaunes et rouges (gravement blessé, vie en danger) montrent aux infirmières et aux médecins de qui s’occuper d’abord. C’est un système des armées pour les blessés à la guerre et les médecins qui sont confrontés à de telles situations. La jeune fille est toujours par terre quelques 20 minutes plus tard, elle a froid, mais sa situation a changé. Le carton est devenu rouge, elle respire mal, les côtes possiblement cassées pourraient avoir blessé les poumons. L’équipe de Samu s’occupe immédiatement d’elle, les soldats de la sentinelle escortent la civière pour l’ambulance qui la transporte vers un hôpital éphémère installé à la caserne. Le cas de la jeune fille montre que l’exercice évolue. La police par exemple est mise en alerte parce qu’une personne à été perdue. On la retrouve, cachée.

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L’exercice dure deux heures. Pour le préfet le but d’exercer la coopération des unités de secours et des unités de sécurisation semble atteint.

Il faut pourtant mettre un bémol. On avait créé une situation idéale pour voir l’état de la coopération. Mais une catastrophe ne s’annonce pas huit jours avant. Les restaurants et boutiques ne seront pas informés huit jours avant et ne fermeront pas 30 minutes avant. Au moment d’une catastrophe, on n’a pas des élèves sages, jouant un rôle mais un public international qui paniquera en toutes langues différentes avec des unités de secours qui vont arriver 20 minutes après l’événement.

On fait rarement les exercices comme celui du 30 mars qui sont toujours très limités et ont lieu dans un but précis. Si on veut avoir une image complète de traitement d’une crise au Mont Saint-Michel on fait un exercice d’État Major en forme de jeu de catastrophe sur du papier et à l’ordinateur qui inclut tout, l’hélicoptère aussi bien que le sauvetage en mer, des hôpitaux ainsi que des salles et endroits à réquisitionner. Pour être sûr d’être préparé à tout, la préfecture va sûrement en faire un avant les Jeux Olympiques. Le sous-préfet sortant d’Avranches, Gilles Traimond raconte, qu’il réunit tous les intervenants au Mont Saint-Michel une fois par mois. Lourde tâche pour son successeur.

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Reste que tout dépend des commerçants et des habitants si jamais il se passe une catastrophe au Mont Saint-Michel. Eux seraient les premiers intervenants en cas de catastrophe. Des questions sont simples : Est-ce que tout le monde dispose d’un extincteur de feu ? Est-ce que les gens savent comment l’utiliser ? Est-ce que les commerçants connaissent les gestes de premiers secours ? Est-ce qu’il ya des défibrillateurs au Mont? Où ? Et enfin : est-ce que les commerçants et les habitants savent les manier. À la fin : la mère prieure, médecin, même si elle ne pratique plus, devrait être immédiatement impliquée.

Il y a une autre question technique : Quels sont les chemins de secours et de fuite à prendre ? Qui gère la foule jusqu’à l’arrivée des forces médicales et sécuritaires ? Si tout le monde veut sortir par la rue principale, on crée la catastrophe.  

L’exercice de grande nature le 30 mars était impressionnant et utile pour examiner la coopération des unités de secours et de sécurité. Mais il faut peut-être commencer à penser autrement si on veut vraiment sécuriser les visiteurs du Mont Saint-Michel au moment d’un événement. Le faire serait une action à réaliser dans la durée pour les intervenants au Mont Saint-Michel. Mais ce serait sûrement d’une aussi grande utilité.

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Étaient engagés sur cet exercice :

  • 82 sapeurs-pompiers des centres de secours de la Manche et de l’Ille et Vilaine
  • 42 Gendarmes de la Manche
  • les agents de la police municipale
  • 23 personnes du SAMU de la Manche et 6 personnes du SAMU d’Ille et Vilaine
  • 2 équipes de militaire de l’opération Sentinelles
  • 15 agents de la préfecture
  • 60 lycéens des lycées Institut de Saint-Lô et de Jean Mermoz de Vire

(Communiqué du Cabinet du Préfet)


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