Visite dans une enclave

La ville de Pontorson est la ville de base de la baie du Mont-Saint-Michel. Le chemin direct de Rennes vers le monument traverse la ville de Pontorson. Et Pontorson est quand même une enclave. La Manche se comprend de Nord en Sud, du Cotentin vers Avranches et ensuite vers l’intérieur  de la Normandie. Pontorson est une ville frontière à quelques kilomètres de la Bretagne. Les coopérations officielles sont impossibles, parce qu’on rencontre un autre département et une autre région de l’autre côté de la « frontière ». Un essai d’une coopération avec Pleine-Fougères sous l’ère d’André Denot fut un échec administratif. Et pourtant : pendant une courte période de son histoire Pontorson elle fît même partie de la Bretagne.  Et pourtant : La majorité des stands sur le marché le mercredi vient de la Bretagne. Et pourtant. . . Et pourtant. Pontorson souffre de cette situation parce que visiblement les deux régions ne s’entendent pas et parce que depuis un siècle et demi à peu près les conseils municipaux se sont recroquevillés sur eux-mêmes et n’ont pas vu les chances de l’avenir. Le développement économique vers le Mont-Saint-Michel fut inventé et dirigé par la Bretagne.

Le nouveau parking derrière la gare de Pontorson, 92 Places plus gare routière.

IL y a 153 ans les Pontorsonnais étaient contre le train vers le Mont- Saint-Michel, n’ont jamais aimé le tramway traversant la ville, et lorsque la route nationale N175 fut construite à quatre voies, le conseil a tout fait pour éviter une sortie directe vers le Mont-Saint-Michel. On avait peur que les touristes ne viennent plus dans les commerces de Pontorson. Aujourd’hui la ville croule sous les voitures et vit avec une monoculture d’hôtels, de gîtes, de chambres d’hôtes et de restaurants. Les 92 magasins de la ville font partie de cette contradiction qui s’est créée par des décisions des conseils municipaux du passé, votés à vue. C’était pendant très longtemps la bonne bourgeoisie des commerçants qui gardait ses prérogatives plus l’hôpital psychiatrique, qui valait le surnom de « la ville des fous » à Pontorson. La « chasse gardée », sur laquelle  veillait le conseil municipal, avait un désavantage : la ville devenait le dernier wagon du train. Et puisque le terrain entre Avranches (Normandie) et Dol-de-Bretagne (Bretagne) est une enclave des deux côtés, il s’est développé un terrain transitoire, en soi délaissé. Pleine-Fougères (Bretagne) perd sa gare. Pontorson (Normandie, Manche) garde l’arrêt des trains mais subit la fermeture de la gare sauf l’été, un « succès » du maire André Denot de l’époque qui avait pris le Mont-Saint-Michel comme argument.  Ce qui se présente  comme un énorme succès aujourd’hui.

Arrive alors une équipe de la « société civile » qui prend la mairie en 2014 et change la donne. Elle développe un programme sur deux mandats sous l’égide d’André Denot, puis d’ André-Jean Belloir, lorsque André Denot est élu conseiller départemental. Un programme qui va changer la ville et lui donner une attractivité. Il faut dire que l’équipe municipale arrive à convaincre tout le monde – l’agglomération, le département, la région, l’Etat et  même les fonds européens – de leur soutien. Le secret du succès qui devient de plus en plus visible : la municipalité travaille projet par projet. Elle devient célèbre en cherchant des partenaires financiers et coopère avec des entreprises privées. Il y a beaucoup de tabous qui tombent dans la politique locale qui permettent des « ingéniéries » avec plusieurs partenaires pour leur réalisation.

Les travaux pour aménager le parvis de la gare ont commencé

Le préfet de la Manche, Xavier Brunetière, a l’habitude des visites dans « son » département. Il est « briefé » par son cabinet. Il a une idée des dossiers à regarder lorsqu’il se déplace. Mais être sur place est toujours autre chose. D’autant plus que le département se trouve dans une situation « intéressante ». Le ministre de l’intérieur avait changé tous les sous-préfets et le préfet avant les Jeux Olympiques. Il faut être curieux et avoir la routine administrative pour maitriser les affaires du département le plus vite possible. La Manche est un département plus difficile qu’il ne parait  avec l’agriculture, la pêche, le tourisme, l’industrie navale militaire et le nucléaire. 

Pontorson alors. Xavier Brunetière arrive vers neuf heures à la mairie. Presque trois heures plus tard sous un soleil radieux d’automne on est sur le site d’un parking en construction. Le maire, André-Jean Belloir, explique la gare modale à  Xavier Brunetière et au sous-préfet d’Avranches, Pierre Chauleur. 92 places de parking sont en train d’être créées. Le parking, un nouveau parvis de gare, et des places d’arrêt pour les bus vont devenir le centre du transport public à Pontorson. A cet endroit vont se croiser les lignes de bus pour Fougères et Dol-de-Bretagne, la navette pour le Mont-Saint-Michel et le TER Caen-Rennes. Un bus ne s’y arrêtera pas. Ce car de Breizhgo en direct de Rennes au Mont-Saint-Michel continuera son chemin sans s’arrêter à Pontorson. Tandis que le préfet et le sous-préfet regardent le parking on travaille déjà de l’autre côté des rails. L’ancienne buvette est déjà détruite. La navette de la gare au Mont-Saint-Michel voit ses derniers jours de son arrêt sur le parvis. Cependant : la gare modale possèdera une curiosité. Il faudra faire le tour autour du parking et de la gare, traverser les rails sur une rue qui n’est pas sans danger pour arriver aux quais. Le maire pense pouvoir inaugurer le parking le 15 novembre 2024.

La gestion des travaux à Pontorson est un secret de la municipalité. Rares sont les chantiers communaux qu’on termine en retard. Le maire, André-Jean Belloir, aime parler d’un travail en équipe, mais il laisse travailler ses adjoints tout en sachant en détail ce qui se passe. Il est le président de chaque commission du conseil municipal, son premier adjoint, Vincent Bichon, « ministre des finances » en est le vice-président. Avec cette structure rien n’échappe au maire qui visite régulièrement les chantiers en vélo. Il avoue qu’il doute parfois et en ces moments il caractérise le métier du maire comme « métier de dingue ».

Une visite du préfet connait toujours le même cérémoniel. C’est d’abord une discussion avec les élus, l’explication du préfet des points forts de la mandature. De l’autre côté ce sont les élus qui expliquent, qui présentent les projets. Xavier  Brunetière se voit en face d’un très large programme de développement local qui sera terminé juste avant les prochaines élections municipales en 2026.  Avant la fin du mandat on va avoir achevé les projets en cours d’un montant d’investissement de 13 millions d’€uros. La gare modale nécessite 3,3 millions. Si on inclut la destruction de l’ancien bâtiment Districenter et la création d’une nouvelle place, on arrive à 4,1 millions qui seront financés à 80 % par des subventions.

La salle de sport est utilisée tous les jours d’habitude jusqu’à 22 heures

Aux temps de la limitation de l’artificialisation des terrains il faut densifier l’habitation. L’entreprise La Rance HLM crée 12 logements en forme de Maison et d’appartements à côté de l’église. Kaufmann & Broad vont bâtir des maisons pour les gendarmes qui travaillent au Mont-Saint-Michel, avec un bâtiment avec des appartements pour des seniors. Le tout sera repris par La Rance. Le très grand chantier de densification est le dossier de création de 29 maisons dans une nouvelle cité rue de Philipotte au bord de Boucey.

La vraie coopération entre la ville et d’autres entités de la vie politique locale se montre dans la cité du savoir. La médiathèque (agglomération), la nouvelle salle multifonctionnelle (agglomération), le nouvel ensemble scolaire « Louis-Pergaud» avec école maternelle, école primaire et cantine (municipalité) plus le collège Georges Brassens (département) et le centre de jeunesse avec crèche (agglomération)  forment une « cité du savoir ». La municipalité a créé une interdépendance de ces composants formant la cité : les repas pour la cantine viennent du centre hospitalier. Le chauffage pour les écoles vient du collège ce qui implique une coopération entre municipalité, agglomération, hôpital et département. Il faut néanmoins jeter un coup d’œil distinct sur la situation. La salle multifonctionnelle est utilisé « à fond », presque tous les soirs jusqu’à 22 heures, raconte le président de l’association « Amicale Laïque ». Il faudrait être plus critique sur le fonctionnement de la médiathèque qui, en fin de compte, n’est ouverte au public que pendant 17 heures par semaine.

Sur ce terrain le groupe Kaufmann& Broad va construire les maisons pour la brigade de gendarmerie affectée au Mont-Saint-Michel plus un bâtiment avec des appartements pour seniors. photo: wy.

Le préfet, durant ses trois heures de visite à Pontorson, a reçu un aperçu sur le développement de Pontorson. » On lui a tout montré et on lui a expliqué notre ville » a-t-on pu entendre.

Si on jette un regard sur les finances de Pontorson, le préfet n’a pas à s’inquiéter non plus. Pontorson possède des finances saines et solides et pourrait vraisemblablement digérer un choc par une baisse des dotations de l’Etat. A la fin du mandat la ville présentera un endettement de quatre millions d’Euros qu’elle pourrait rembourser au bout de 3,8 années. Ce sera exactement la même somme qu’au début du mandat de 2014.  Mais ce ne sera plus la même ville.

Ecole maternelle, aire de jeu et cantine pour les écoles photo: wy

 On a pu entendre aussi qu’ils existe un terrain de 1.500 m2 au bout du parking, encore inutilisé. André-Jean Belloir rêve d’une station service « verte », possiblement de l’hydrogène puisque Air Liquide en produit de l’hydrogène seulement à 80 km. Et si jamais un train à hydrogène s’arrêtait à Pontorson, ou les navettes du Mont-Saint-Michel roulaient à l’hydrogène. . .  Mais ceci est un autre sujet.  

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