Le jumelage franco-allemand Pontorson/Wassenberg se trouve à un tournant. Après 15 ans au poste la présidente, Hélène Macé, a démissionné. Une décision déjà prévue en 2022 mais ajournée à 2023 sur la demande des adhérents. Une année de prolongement qui a été mal utilisée. Le dimanche 26 novembre 2023 lors de l’assemblée générale du comité de jumelage, elle a démissionné comme prévu. . . sans présenter un successeur et. . .manque de candidat, sans autre solutions. Silence radio dans l’assemblée après sa démission. A la fin on a nommé dix personnes qui devraient résoudre la situation, entre autres Hélène Macé, qui avait créé la situation, mais ne voulait quand même pas se passer totalement du pouvoir.
Les premières relations entre habitants de Wassenberg et de Pontorson datent d’il y a 55 ans. C’est la dynamique franco-allemande suite à la visite du président Charles de Gaulle en Allemagne qui avait demandé à la jeunesse allemande dans un discours inoubliable à Ludwigsburg de créer un avenir avec la jeunesse française. Par la suite fut fondé l’office franco-allemand de la jeunesse qui depuis a organisé des séminaires, des rencontres et des visites dans les deux pays pour des dizaines de milliers de jeunes français et allemands. Il fut même un temps où beaucoup de ministres du gouvernement français avaient des connaissances de langue française. Il en est resté Bruno le Maire, qui à l’époque avait un accord tacite avec son homologue allemand Ursula von der Leyen. Lui parlait allemand, elle parlait français. Aujourd’hui on est loin de là.
Le jumelage de Wassenberg avec Pontorson fut acté officiellement il y a 40 ans, l’anniversaire célébré en été 2023. On remarquait lors de l’assemblée générale du comité le 26 novembre qu’on y trouvait des gens d’un certain âge. Des personnes donc de cette génération Adenauer/de Gaulle, qui n’ont pas réussi à passer l’élan de l’époque vers une nouvelle génération. D’après ce qu’on entend, ce n’est pas différent du côté allemand. On peut par contre constater que deux clubs d’amis franco-allemand se sont créés. On se connait, on vit dans les familles pendant les visites officielles. On est devenu ami pour une génération. Et ensuite?
Presque rien, si on juge le rapport morale de la présidente. Qu’est-ce que la présidente aurait pu raconter si le jubilée n’avait pas eu lieu ? Rien. On a organisé avec la ville de Pontorson la visite officielle pour les 40 ans de jumelage franco-allemand et les 30 ans de jumelage anglo-français-allemand. « Tout c’est bien passé ». Une phrase qu’on entend souvent ce matin du 26 novembre 23023. Mais en réalité rien ne se passe bien. Hélène Macé démissionne et il n’y a pas de successeur en vue.
Pareil pour l’année 2024. L’Europe ne subventionne plus les rencontres en Allemagne. D’après ce qu’on sait, et on en sait assez peu, le comité allemand ne prévoit pas un programme. On va vivre en famille avec un programme officiel un samedi après-midi avant le départ retour à Pontorson. Autrement dit : « Le jumelage Pontorson/Wassenberg est arrivé au point mort. »
L’échange des élèves se présente à l’image de l’échange des adultes. Difficile de trouver une date convenable pour 2024, où toute la France pense Jeux Olympiques. Et comment va-t-on loger les quelques jeunes qui vont venir ? C’est une idée farfelue qu’on veut mettre en place. On va essayer de les mettre dans une grande tente de scouts au prieuré de la Fondation du Mont Saint-Michel à Ardevon.
Il faut s’arrêter un instant sur cette idée. Le sens d’un échange de jeunes qui apprennent une langue étrangère est de leur montrer comment se passe la vie dans le pays dont ils apprennent la langue. Donc on les intègre pour quelque temps dans des familles qui veulent bien les accueillir. C’est-à-dire les huit à dix jeunes devraient venir à Pontorson pour parler français. Vont-ils le faire si on les met dans une tente au prieuré ? L’idéé déja, discutée sérieusement pendant l’assemblée générale du comité montre oh combien on s’est éloigné du travail sérieux que les échangent des jeunes exigent.
Aujourd’hui il est assez difficile de réaliser un échange pour les jeunes. Il faut trouver des familles, il faut créer des contacts avant l’échange entre famille et garçon/fille à accueillir. Pourquoi ? Parce que le téléphone portable fait garder le contact avec la famille en Allemagne. Ainsi on ne coupe plus le contact. Une intégration dans la famille française est difficile parce que le contact avec la famille en Allemagne n’est jamais coupé. Les jeunes de leur côté n’ont pas l’habitude à leur âge de 12 ans de vivre seul dans un environnement totalement inconnu. Un échange à cet âge là demande beaucoup de travail de la part du comité de jumelage, de la part des familles et de la part des écoles pour donner confiance aux filles et garçons de cet âge.
Hélène Macé n’avait rien préparé dans ce sens. Elle connaissait la date prévue et elle ne savait surtout pas quoi faire de ces jeunes. Le comité de jumelage de Pontorson est mentalement resté au « bon vieux temps » et veut faire comme on a toujours fait. Mais cela ne fonctionne plus de notre temps avec Skype, Zoom, smartphone, tablette ou ordinateur portable, dont dispose la jeunesse même à l’âge de 12 ans aujourd’hui. Il faut être clair : Le jumelage de notre temps doit être repensé. S’il n’y a que quelques huit à dix Allemands à venir, alors que le comité se mette à la recherche de familles, qui veulent bien prendre une fille ou un garçon et s’en occuper.
Il faut dire: la France et l’Allemagne ont perdu l’élan de jadis. En Allemagne 15,3 % des élèves apprennent le Français, en France le pourcentage est le même pour l’Allemand. La différence se montre en chiffres absolus. En Allemagne 1,24 millions d’élèves apprennent le français. En France 147.000 élèves apprennent l’allemand comme première langue étrangère au collège. Au collège Georges Brassens à Pontorson on a actuellement neuf élèves de la 5ème à apprendre l’allemand. Il y en six au collège privé de St. James.
Revenons au comité de jumelage de Wassenberg. Si on demande au comité de jumelage de se présenter s’il ne pouvait se mettre en tant que lobbyiste de la langue allemande, on reçoit la réponse « c’est l’affaire de l’Académie ». C’est une réponse habituelle à Pontorson, parce que c’est toujours « l’affaire de l’Académie, de l’agglomération, du département, de l’Etablissement du Mont-Saint-Michel, etc . etc.». C’est confortable, parce que c’est toujours l’affaire de quelqu’un d’autre. C’est intéressant de voir que de l’autre côté du Couesnon, à Pleine-Fougères. On n’entend pas cela. On essaye de réaliser en impliquant l’autre organisme dans l’idée et on cherche des chemins de réalisation. Le refus du côté normand, la recherche de pouvoir faire du côté breton de la rivière.
Le comité de Wassenberg ne s’est jamais compris comme groupe qui a la chance de faire plus que l’organisation des « voyages d’amis ». On n’a pas réagi à deux développements: l’intérêt régressant pour la langue allemande et on n’a pas su intéresser d’autres habitants de Pontorson au jumelage que le club d’amis existant. Le jumelage est devenu institutionnel et s’est figé dans des habitudes. C’est simple de trouver une tente pour les élèves allemands. Mais ce n’est pas l’essence d’un échange. Le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal et la ministre présidente de la Sarre, Anke Rehlinger (1) se sont rencontrés pour la deuxième fois au bout de quelques semaines pour discuter des problèmes de langue du voisin ce lundi 04 décembre. La première fois lors du séminaire des deux gouvernements français et allemand à Hambourg. La deuxième fois ce lundi lors de la réunion du parlement franco-allemand à Bonn. (2) Dans le séminaire des deux gouvernements à Hambourg ils avaient déjà commencé à discuter de ces problèmes.
L’ ALLEMAND EST COOL
L’allemand est considéré comme langue difficile et langue d’élite en France. Les deux préjugés sont faux. C’est une langue très structurée dont ceux qui l’aprennent disent en générale qu’ elle aide à penser plus logiquement et qu’elle est moins difficile qu’on ne craigne. Lors de la présidence de François Hollande la ministre de l’éducation nationale Nadja Vallaud Belkacem avait éliminé les classes bilingues parce qu’elle les considérait comme « classes d’élite », violant le principe d’égalité de la constitution française. La conséquence est catastrophique. La France a vécu une chute dans le nombre d’éleves qui voulaient apprendre l’allemand.
Gabriel Attal, a commencée à redresser la barre. Il demandé aux recteurs des académies de renforcer le nombre de professeurs dans ce secteur, de proposer de nouveau des classes bilingues, et de garder au minimum la présence de la langue allemande, a-t-il déclaré devant l’assemblée parelementaire franco-allemande ce lundi, ‘ decembre à Bonn (Allemagne). La France veut augmenter de 10 % le nombre des élèves apprenant l’allemand jusqu’en 2026,. Au mois de mars 2024 les ministres allemands régionaux de l’éducation et les recteurs des académies dans les régions françaises vont se rencontrer pour discuter de réalisation d’une « stratégie de langues ». On voit que les deux gouvernements sont mobilisés sur le sujet. Et on a compris : si on ne parle pas la langue du voisin, on ne comprend pas sa culture ni son raisonnement. L’auteur et philosophe Jacques Attali, l’homme de l’ombre de François Mitterrand et auteur des « Verbatims » a exprimé dernièrement sa peur pour l’avenir du couple franco-allemand à cause des tensions, malentendus et un fossé grandissant entre les deux pays. On ne luttera sûrement pas contre ces tendances avec l’idée d’héberger de jeunes allemands dans une tente à Ardevon.
Qu’est-ce que cela veut dire pour le comité de jumelage avec Wassenberg ? D’abord : organiser les voyages entre amis tous les ans ne suffit plus. Ensuite: le comité de jumelage doit se comprendre comme un groupe local de travail sur le franco-allemand. Ceci aussi bien sur le tourisme ou les allemands sont devenus le plus grand groupe d’étrangers qui loge dans la région que sur le sujet de l’éducation. Regardons de l’autre côté de la frontière: La Sarre sera presque bilingue d’ici 15 ans, puisque 52 % des élèves y apprennent le français. On commence dans l’école maternelle et on termine avec le baccalauréat. C’est cela l’idée que réalise Madame Rehlinger dans son Land (3 ).
Transposons cela sur le plan local de Pontorson. Alors : pourquoi ne peut-on pas apprendre l’allemand dans l’école maternelle ? Pourquoi ne peut-on pas apprendre l’allemand dans l’école primaire pour ensuite continuer au collège où on installe une classe bilingue pour y continuer ensuite au lycée où des classes européennes avaient existé avant Madame Vallaud Belkacem ? Ce serait une action de réputation dont Pontorson et le collège ont besoin.
L’école maternelle est sous la responsabilité de la municipalité de Pontorson. L’école primaire est sous la responsabilité de la ville de Pontorson. Vu la demande du ministre de l’éducation on pourrait miser sur le soutien du recteur de l’Académie et de l’inspectrice de l’académie. Et : puisque cela fonctionne dans de villes et villages en Allemagne il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas à Pontorson.
Pour le comité de jumelage de Pontorson/Wassenberg ceci veut dire d’intensifier le travail transfrontalier, accompagner les élèves sur les niveaux différents et les échanges, créer un esprit à Pontorson. Ce serait tout à fait différent du travail d’aujourd’hui, dans une situation où la présidente a démissionné mais veut continuer travailler dans le conseil d’administration.
Il y a quelques points qu’il faudrait aussi voir dans ce sujet :
- Pontorson manque de réputation. Le travail dans la langue allemande dès le plus jeune âge pourrait devenir un atout pour la ville. Les atouts ne peuvent venir que de l’éducation, de la formation et de la culture.
- Pontorson doit calculer avec la concurrence de Pleine-Fougères en Bretagne où sont situés un collège public et un collège privé avec une bonne réputation. St. James dispose d’un collège et d’un jumelage fonctionnant, tout comme Korbach et Avranches. Pontorson n’a pas le droit de se permettre la situation actuelle.
- Si le ministre Attal veut augmenter le nombre des élèves apprenant l’allemand – et il n’y a aucun doute qu’il va tout faire pour y arriver, déjà parce qu’il s’agit d’un programme franco-allemand – l’outil le plus sûr sera le jumelage. Le comité doit alors se réveiller.
- Il faudrait en plus investir dans l’éducation, trouver du personnel qui enseigne l’allemand. Avouons-le, ce serait un virage à Pontorson. Ici on aime plutôt investir dans du béton et pas tellement dans le savoir.
Pour ceux qui considèrent que l’anglais suffit et qu’on n’ait pas besoin de l’allemand, le directeur général de la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie, Patrick Brandmaier, lance : « Il y a des moments, dans la vie d’une entreprise, lors d’une crise ou d’un rachat d’entreprise, où c’est décisif de parler la langue de l’autre. » Il évoque l’allemand comme un « atout absolu » en rappelant que l’Allemagne reste le premier client et le premier fournisseur de la France. Parler allemand, « c’est quasiment la garantie de trouver un emploi », souligne-t-il.
Une raison de plus pour que le comité du jumelage avec Wassenberg se lance dans de nouvelles aventures et sorte de l’ornière.
REMARQUES
- Le parlement franco-allemand est issu du traité d’Aix la Chapelle de 2019, lui-même successeur du traité de l’Elysée. Chacun des deux pays y envoie 50 parlementaires. Ce parlement, co-présidé par les présidents du Bundestag et de l’assemblée nationale, siège deux fois par an, en France et en Allemagne. La séance allemande avait lieu ce lundi, 4 décembre à Bonn. L’ordre du jour avait deux points : la politique des langues et la politique à adopter envers le conflit israélo-palestinien. Lors de ces rencontres parlementaires le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, rencontrera son homologue, Madame Anke Rehlinger. La Manche dispose d’un représentant dans ce parlement franco-allemand. C’est le député Philippe Gosselin, élu dans la première circonscription de la Manche.
- Le Land de Sarre a une histoire spécifique. Protectorat de la France après la deuxième guerre mondiale, la France avait proposé d’en faire un district européen lors des négociations sur la fondation de la Communauté Européenne de Charbon et d’Acier (CECA). Proposition accepté par le chancelier allemand Konrad Adenauer. Il avait demandé à la France de présenter un plan élaboré pour créer ce district. Ce plan n’a été jamais présenté. Ce manquement avait deux conséquences : le Luxembourg devient siège « provisoire » de la CECA avec les suites qu’on connait. La population sarroise décide dans un référendum d’adhérer à l’Allemagne. Aujourd’hui il y a tous les jours 19.000 transfrontalier lorrains qui traversent la frontière franco-allemande pour travailler en Allemagne. La Manche et la Sarre sont liés par un partenariat des chambres des métiers, poussé par l’Avranchin Benoît Rabel, en même temps membre du conseil de l’Agglomération Avranches/Mont Saint Michel.
- Anke Rehlinger (47) est une femme politique remarquable. Elle est vice présidente des sociaux-démocrates (SPD) sur le plan national. Elle dispose d’une majorité absolue dans le parlement du Land de la Sarre. Le Land de la Sarre est le seul où un parti politique dispose d’une majorité absolue. Tous les autres Länder en Allemagne sont gouvernés par des coalitions. Anke Rehlinger est toujours une athlète sportive, lance le poids et le disque et tient toujours les records dans le poids et le record de la jeunesse avec le disque de son Land. Avec l’équipe de la Sarre elle est championne allemande des séniors dans l’athlétisme. La spécialiste du droit fiscal est mère d’un fils. Rehlinger a adopté une politique rigoureuse dans son Land pour l’apprentissage des langues. Elle veut arriver à un bilinguisme franco-allemand. Sa politique d’enseigner le français dès l’école maternelle jusqu’au baccalauréat est devenu un modèle et est appliquée aussi dans le Land voisin Rhénanie-Palatinat. La politique d’éducation et de la culture étant un privilège des Länder en Allemagne, elle a été nommée ministre pléni-potentiaire pour les affaires d’éducation et culture pour les affaires franco-allemandes. Dans cette position elle est la femme avec qui Gabriel Attal doit discuter. Avec l’expérience dans son Land, elle est l’experte dans la matière.
- Notons en plus qu’on ne peut pas comparaitre un Land allemand avec une région française. Un Land est un Etat, avec constitution, parlement et gouvernement, avec police et sa propre politique de culture et d’éducation. Une situation dont rêvent la Corse ou aussi la Bretagne.