Les banques sous pression : est-ce que l’épargne est sûre ?

Bâtiment de la BCE à Francfort ©BCE

Le scénario est connu. D’abord c’est un tremblement bancaire aux USA, ensuite en Europe. La crise des années 2007/2008 s’est déroulée d’après ce scénario : et cette fois-ci ? D’abord des banques aux USA et ensuite le Crédit Suisse, une des 30 banques systémiques dans le monde. Eh bien non, il n’y a pas de parallèles.

Un regard en arrière : En 2007/2008 les  banques américaines avaient vendu des « papiers toxiques » dans le monde entier. Ils avaient octroyé des crédits immobiliers à des personnes qui n’auraient jamais dû en avoir. Les risques de ces crédits avaient  été enveloppés comme de nouvelles obligations, saucissonnés et vendus autour du globe. Lorsque les intérêts ont augmenté aux USA, on est arrivé à la « crise des maisons » (housing crisis), parce que les propriétaires ne pouvaient plus rembourser leurs crédits. Lorsque la Banque Lehman Brothers avait annoncé la faillite, les papiers vendus dans le monde entier n’avaient plus de valeur du jour au lendemain. Les gens autour du globe avaient perdu leurs économies.

Et aujourd’hui ?

Regardons en arrière. Les Allemands toujours très fébriles quant à l’inflation sont devenus nerveux en 2021 lorsque les prix avaient augmenté et que des signes sérieux pour une inflation étaient devenus visibles. Souvenons-nous : c’était la période à la fin du Covid où l’économie reprenait, où on recommençait à investir. La directrice de la Banque Centrale Européenne (BCE), Isabelle Schnabel, racontait alors à la télévision allemande, que le développement de l’inflation trouverait son pic en février 2022 et que l’inflation allait baisser ensuite. Ce jugement correspond à l’époque au comportement « budgétaire » de la BCE. La banque regardait plutôt vers les pays comme la France, le Portugal, l’Espagne, l’Italie. Des pays avec un fort taux  d’endettement. Une augmentation des taux d’intérêt aurait eu une conséquence lourde pour le budget de ces pays. La BCE préférait attendre au lieu d’augmenter prudemment les taux.

En février 2022 nous avons connu le début de la guerre en Ukraine. En ce moment on avait la conjonction de plusieurs  situations :

  • L’effet de la guerre.
  • L’effet d’une pénurie de produits techniques et pharmaceutiques comme des semi conducteurs.
  • Les problèmes en Chine avec le Covid.
  • Les effets de pénurie de gaz spécialement en Allemagne.
  • Pénurie d’électricité à cause de pannes de centrales nucléaires en France et à cause d’un manque d’eau pour refroidir les réacteurs.
  • Suite à tous ces effets une inflation galopante pour l’alimentation jusqu’à 40 % pour l’un où l’autre produit.  

La BCE devait alors réagir par une augmentation des taux, et ceci brutalement, de 0 % à 3 %. Une brutalité comme conséquence de l’inactivité à cause du regard budgétaire d’avant.  

Qu’est-ce que cela veut dire sur les marchés ?

 Les banques  doivent déprécier les anciennes obligations aux taux moindres par rapport aux nouvelles avec un taux plus élevé. Lorsque la banque SVB en Silicon Valley a eu besoin d’argent, elle a vendu ses obligations en faisant une perte de 2,2 milliards de Dollars. La SVB en Californie créa ainsi le tremblement qui fait revivre la discussion sur le capital propre et les provisions de risque et la peur d’une nouvelle crise bancaire. Mais ceci ne veut pas dire qu’on se trouve devant une nouvelle crise bancaire.

La gouverneure de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde  ©Getty Images/CC

Qu’est-ce que cela veut dire pour l’État français ?

Depuis la crise des années 2007/2008 la BCE a inondé les marchés avec de l’argent facile au taux zéro. Dans la politique aussi bien sur le niveau des collectivités locales que sur celui de l’État on prêtait à tout va sans se soucier du lendemain. L’endettement de l’Etat français se trouve actuellement en hauteur de 3  billions d’Euros ceci eut dire trois milles milliard ou 3 000 000 000 000, ce qui correspond à presque 112 % du produit national  brut (PNB). Autrement dit : sur un Euro créé de richesse pèsent 1,12 Euro de dettes. Ce n’est pas l’endettement en soi qui pose problème. Ce sont les conséquences. Pendant la période de l’argent facile on s’endettait plus en réduisant la charge des intérêts. Aujourd’hui, avec les intérêts en hausse, cette charge pourrais devenir le premier poste du budget national avec quelques 40 milliards d’Euro d’après le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. Et elle continue de peser plus lourd puisque l’État s’endette encore. Une famille avec un tel comportement se trouverait sous la tutelle d’une assistante sociale. Et la liberté de l’action de l’État a été limitée considérablement par le poids de la dette.

Comparant la France à son ami allemand, on voit ce que cet endettement signifie. De l’autre côté du Rhin on travaille avec un endettement entre 70 et 72 % du produit national brut. Ceci veut dire que l’Allemagne a une marge de 28 à 30 centimes par Euro gagné. La France n’en a aucune. La conséquence : pour une obligation de 10 ans l’Allemagne paye 1 % de moins d’intérêts que la France.      

Qu’est-ce que cela veut dire pour l’épargnant ?

Après la crise des années 2007/2008 les règles sur le capital propre des banques sont devenues plus strictes. Les règles sur l’octroi des crédits ont été renforcées. Aujourd’hui on calcule les risques de crédit projet par projet et suivant la solvabilité du client. Un crédit de 300 000 Euro peut donc être octroyé à des conditions différentes. Pourquoi ? La banque est obligée de faire une provision de risque jusqu’ à 10 %  du crédit accordé. De l’autre côté l’épargnant a été rassuré. Si jamais une banque fait faillite, l’épargnant sera remboursé jusqu’à la somme de 100 000 Euros. Aux USA ce sont 250 000 Dollar. Et après l’incident de la SVB le président Biden souhaite augmenter cette garantie.

Le cas du Crédit Suisse qui a réveillé des craintes en Europe, n’est pas comparable à la situation aux USA. La banque était malade depuis des années. L’acheter pour trois milliards est une très bonne affaire pour la banque UBS, dont le bilan est maintenant plus grand que le Produit national brut de la Suisse. Mais soyons claire, on a sauvé une banque systémique; on devait la sauver pour éviter une vraie crise du secteur  bancaire.

Ce qui se passe est de nouveau une crise de confiance dans les banques. Les marchés attaquent l’une après l’autre les banques qu’il croient faibles. La Deutsche Bank, affaibli par une multitude d’affaires du passée est la prochaine à être attaquée. Son cours à la bourse de Francfort a chuté lourdement, ce vendredi 24 mars  Elle a créé une onde de choc qui a tirée les cours de bourse de toutes les banques européennes vers le bas. Les chefs de gouvernement des 27 pays européens, réunis à Bruxelles, se sont montrés confiants et convaincus que les banques européennes soient capables de survivre à la tempête actuelle. Le Chancelier Olaf Scholz a prononcé sa confiance dans la première banque allemande qui se serait bien restructuré et représenterait de nouveau des bénéfices.

Néanmoins la première ministre estonienne Kaja Kallas se montrait confiante dans le système bancaire européen. Mais elle  avertissait la BCE de continuer à augmenter les taux trop fort. « Ceci créerait de nouveaux problèmes pour l’économie », disait-elle. L’augmentation des taux dans un très court laps de temps avait mis la pression sur les banques. Les fonds monétaires en Euro ont collecté quelques 150 milliards d’Euros en quelques jours, preuve que les banques perdent la confiance de leur clients. Actuellement on fait plus confiance dans l’argent liquide des fonds que dans les livres d’épargne des banques. C’est cela qui crée la crise bancaire.     

Revenons à l’épargnant français. Dans cette crise il est bien placé par rapport aux autres Européens. En Allemagne les caisses d’épargne, qui représentent avec les banques populaires plus de 50 % du marché bancaire, hésitent à augmenter les taux d’intérêt sur les livrets d‘ épargne. Les 3 % du livret A en France ne sont néanmoins qu’un pansement vu un taux d’inflation de 6,14 % au mois de janvier 2023.

Dans la situation actuelle le système des livres A et LDD d’un côté, le système des banques mutuelles de l’autre pourraient même être un stabilisateur pour l’épargne et pour l’épargnant par le fort encrage local. Le système des banques mutuelles est, comme les caisses d’épargnes et le banques populaires en Allemagne, difficilement attaquable.

Le Crédit Agricole de Pontorson qui avait présenté un bilan très sain dans la réunion de ses sociétaires le 10 mars avait réagi avec un taux d’intérêt de 2,2 % pour ses part sociales ce qui le rapproche du taux du livret A (inforama reviendra sur le bilan de la banque).

Les sociétaires du Crédit Mutuel vont se réunir ce samedi 25 mars. D’après des informations de l’inforama la banque va proposer aux sociétaires de s’aligner sur la rémunération du capital du Crédit Agricole. Elle proposerait au sociétaires un taux d’intérêt de deux pour cent.    

Quelles seraient les alternatives pour les épargnants ?

Si on regarde bien le marché pour l’épargnant normal il n’y a aucune vraie alternative. Malgré les souhaits de la politique et malgré les avertissements du gouverneur de la Banque de France la BCE doit continuer d’augmenter les taux tant que l’inflation sous jacente est élevé.

La banque centrale américaine (FED) est plus rigoureuse dans sa politique que la banque central européenne. Dans le conflit d’intérêt entre la stabilité de la monnaie et la santé de l’économie elle penche rigoureusement vers la stabilité de la monnaie. Elle a donc encore une fois augmenté ses taux directeur de 0,25 %. La fourchette se trouve actuellement entre 4,75 et 5,0 %. Ceci augmente encore la pression sur les banques qui gardent les obligations à taux moindre dans leurs coffres, quasiment invendable.

Remarque : Cet article n’est pas un conseil de placement d’argent. L’auteur n’est pas responsable pour des décisions de placement suite à cette article. L’auteur conseille de parler avec des conseillers de banques avant de prendre des décisions de placement d’argent.

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