Lorsque George Smith Patton jr. est arrivé avec sa troisième armée sur les plages du débarquement en Normandie, le plus dur du débarquement est fait. Les Allemands croient toujours qu’il s’agit d’un leurre et gardent leurs divisions de blindés à Calais. Cette erreur garantit que les troupes alliées peuvent tenir les ponts et s’incruster jusqu’à l’arrivée des renforts.
Les renforts, c’est surtout la troisième armée américaine. Lorsque les soldats de cette armée entrent en terre française le 5. juillet 1944, c’est la deuxième fois au bout de 26 ans que la 3ème armée des USA intervient en Europe. En 1918 elle a désarmé les soldats allemands. Retournée aux Etats Unis, elle avait formé des centaines de milliers de soldats. A partir de 1940 elle joue un rôle primordial dans les préparations du pays pour une possible participation des USA à une guerre en Europe. Le lieutenant général George S. Patton prend le commandement de cette armée le 26 janvier 1944 en Angleterre. Le 5 juillet 1944 il installe le quartier général en Normandie dans le cadre des opérations du D-Day.
Patton ne pense pas à la libération de la France. Dans un discours de motivation à ses soldats, il fixe le but de battre les soldats allemands et de vaincre la dictature allemande. Au cours de ses combats, la troisième armée devient le marqueur de la guerre à l’Ouest de l’Europe. Elle participe à huit grandes opérations qui structurent la Deuxième Guerre mondiale sur le continent : la France, la Belgique, deux fois le Luxembourg, L’Allemagne, la Tchéquie, la Sicilie/Italie et l’Autriche. Remarquable : lorsque son adversaire personnel à l’intérieur de la coalition de guerre, l’anglais Montgomery, échoue dans sa campagne néerlandaise et permet aux Allemands de se restructurer pour leur bataille des Ardennes, c’est Patton qui dirige son armée de la frontière allemande vers les Ardennes, et gagne la bataille de Bastogne le 26 décembre 1944.
Patton se plaint durant toute la guerre auprès du commandant Dwight D. (Ike) Eisenhower, que Montgomery soit mieux loti en matériel que lui avec moins de résultats. Sans aucun succès. Patton arrive pourtant à clarifier la situation. La division du général Brady, incorporée à l’armée de Montgomery est repris par les Américains. Elle est incorporée à la 3ème armée de Patton. Montgomery crée une armée britannique et canadienne.
Patton donne l’ordre au général Robert W. Grow – qui commande la « 6ème armoured division » – de prendre le chemin vers Brest et d’y arriver sans tarder. La raison: Les armées des Anglais, Canadiens, Américains et autres on besoin de 26.000 tonnes de matériel d’approvisionnement par jour. Les ports de fortune le long des côtes du débarquement sont partiellement détruits par des tempêtes. On dépose le matériel sur la plage ou sur un terrain qui est devenu aujourd’hui le golf de Omaha Beach. Il faut des ports d’eau profonde, Brest de préférence, Le Havre, Cherbourg, Saint Malo. General Grow a l’ordre d’y aller sans tarder. Ordre difficile à suivre puisque les Allemands défendent les ports bec et ongles et les détruisent avant de se rendre.
Patton et son état major se heurtent à une défense féroce des Allemands en descendant la Manche. Il perdent des milliers de soldats dans le bocage. Le guerrier installe alors des coupe-haies à l’avant de ses chars qui reçoivent le surnom de « rhinocéros », abbrévié « rhino ». Patton change à sa faveur la façon de combattre dans le bocage.
Il crée des unités de combat comprenant l’infanterie, l’artillerie/les chars et les avions. Les poches dures de défense sont des théâtres de combats acharnés et détruisent les villes comme St. Lo, Saint Malô, Mortain ou Lorient et le Havre, à la fin Brest. Les Américains, sûr de leur force de frappe prennent l’habitude de proposer aux Allemands de se rendre pour épargner les vies des soldats et des habitants des villes, pour éviter aussi la destruction des villes. La réponse : « un soldat allemand ne se rend pas ». Il finissent bien par se rendre après des milliers de morts inutiles.
Une fois la bataille d’Avranches gagnée, le chemin est plus ou moins libre pour la 6ème division blindée direction Brest. General Robert Wood avec ses unités procède en procédure de pince. Au nord par Pontaubault, Antrain, Brée, Pontorson, Rennes, Pleine-Fougères, Dinan, Saint-Brieuc, Guingamp, Morlaix vers Brest. Au sud-ouest par Rennes, Merdrignac, Rostrenen, Le Huelgat. Après les expériences avec Cherbourg ou Saint-Malô, où on est tombé sur un port totalement détruit, on se concentre sur le chemin direct, laisse des poches d’allemands comme Cézembre pour s’en occuper plus tard.
Les Bombardements de l’aviation américaine ont partiellement des effets désastreux. On bombarde ses propres soldats, on détruit totalement des villes comme St. Lô ou Lorient sans aucun effet stratégique ou tactique. Les Allemands à Lorient se rendent deux jours après la fin de la guerre. St. Lô a la malchance d’être le carrefour de plusieurs routes stratégiques et d’être défendue bec et ongles par les soldats allemands. Les troupes anglaises détruisent la ville du Havre pour gagner le port au moment où Amsterdam devient déjà le port central pour l’approvisionnent des troupes. L’idée de Patton de faire venir le matériel directement des USA vers Brest a des défauts : il n’y a pas assez de camions, les chemins de transport sont trop longs, partiellement détruits, pour des troupes qui bougent vers l’est une fois l’ouest de la France conquis. La conséquence : les ports belges et néerlandais prennent de l’importance.
Lorsque le Général Patton devient l’administrateur du pays de Bavière pour reconstituer une administration civile, vient l’heure de faire le compte de la 3ème armée. Elle compte de son côté 160.000 morts. Du côté des Allemands 140.000 morts. Sur les huit lieux de ses grandes batailles elle fait 1,2 millions soldats prisonniers de guerre. La guerre fait perdre la vie à toute une jeune génération. Elle préserve la vie de 1,2 millions de soldats mais ce sera une vie brisée par les atrocités de la guerre et des camps de prisonniers.
Le 04 août 2024 à Tanis, au lieu dit « Le Rouvre » on commémore, comme tous les ans, une bataille qui a coûté la vie à 100 soldats allemands et 70 soldats américains il y a 80 ans, le 01 août 1944.
Le territoire entre Avranches et Dol-de-Bretagne est un territoire de transition et théoriquement de passage sans problème sur le chemin de la Bretagne.
En basse Normandie l’infrastructure de la ville de Pontaubault joue un rôle central pour l’avancée de la 6ème division du général Robert Grow. L’aviation américaine ayant largué des bombes sur le pont des chemins de fer retarde l’arrivée de munitions, d’armes ou de voitures et de chars par la destruction partielle du pont. Miraculeusement le pont routier est resté indemne. 100.000 soldats américains et 10.000 véhicules le passent en trois jours.
Mais : nous sommes le 1er août 1944. Mc Grow a scindé ses troupes en deux : d’un côté vers Antrain, de l’autre vers Pontorson. Le but : Il faut sécuriser les deux ponts sur le Couesnon. Les avions qui bombardent la région ont l’ordre de ne pas toucher aux ponts. Les soldats venant d’Avranches ne pensent pas avoir encore de difficultés sur leur route.
Le Général Patrick Pondaven raconte : « A11h le 1er Août, l’avant-garde du 9ème bataillon de la 6ème division blindée atteint Pontorson. Le gros du centre de commandement est encore à cinq km à l’est, à hauteur des hameaux de Brée et du Rouvre, lorsque des tirs de mortiers et d’anti-chars (canon de 88 en tir tendu) sont déclenchés sur les américains. Trois M7 sont détruits.
Deux compagnies d’Infanterie (A et C du bataillon) se déploient alors, appuyés par une compagnie de chars. L’Artillerie règle ses tirs grâce à un avion Piper Club en appui. En Artillerie, le meilleur ratio efficacité/précision est obtenu avec des unités à une demi-portée de l’objectif soit des canons à environ cinq kilomètres.
Par comparaison, j’aurais tiré sur le Rouvre avec mes canons dans les années 80 depuis Pontaubault et les CAESAR français de l’époque actuelle tireraient depuis Ducey !
Des combats au corps à corps se déroulent alors au Rouvre. On a coutume de dire que l’Infanterie est l’Arme des 300 derniers mètres mais là tout se joue sur un espace encore plus restreint. Les allemands résistent pendant trois heures et en milieu d’après-midi les combats sont terminés. Environ 70 américains seront tués pour une centaine d’allemands tués et une centaine faits prisonniers.
Les témoignages des habitants font état de la relève des corps des américains par leurs camarades pendant que les allemands seront enfouis dans différentes fosses communes.
En raison des nombreux véhicules américains détruits sur une distance de 400m, la route d’Avranches à Pontorson restera impraticable pendant 7 jours. Le reste de la colonne est détournée par Servon et Tanis.
Le héro américain de la bataille
Né le 24 juin 1919 à Boonville (Missouri), le 1st Sergeant John R MORTON s’engage le 1er novembre 1940 au titre de l’artillerie blindée. Il termina la guerre titulaire de nombreuses décorations dont la Purple Heart avec palme, la Bronze Star, la Silver Star et la Distinguished Service Cross. Cette dernière lui fut remise par le Général Patton pour sa conduite lors de la bataille du Rouvre.
Son half-track ayant été touché par un obus de 88, le First Sergeant Morton aide ses camarades blessés, puis combat alors à pied, bien que son casque soit touché. Après avoir épuisé ses propres munitions, il récupère un pistolet mitrailleur Thompson sur un soldat mort et continue le combat en tuant selon les témoignages 26 soldats allemands à lui seul.
Une commémoration depuis 2019
Le souvenir de la libération dans la Manche n’est pas unanime. Il y a des opinions qui mettent en avant les 15.000 morts normands. Il y en a qui parlent de la libération de la Normandie comme effet principal. La grand mère de Jean-Paul Delaunay lui parlait des Américains comme des sauveurs. Dans les années 1990 il devient membre de l’association des Amis des Vétérans Américains de Normandie. Il fonde lui-même l’association de souvenir de la libération qui trouve son siège dans la mairie du Mont-Saint-Michel. « Nous avons un devoir de mémoire », dit-il.
L’association organise la venue des Américains, organise les parachutages autour du Mont-Saint-Michel, et surtout, la mémoire de cette bataille du Rouvre qui ouvre en fin de compte le chemin du Nord pour la Bretagne. Elle crée la stèle à l’emplacement où 70 soldats américains et 100 soldats allemands ont perdu la vie. Et elle appelle à la commémoration de la bataille. Lors des commémorations pour les 80 ans du débarquement la ville de Tanis avait organisé une grande exposition dans l’ancienne salle de classe de l’ancienne école des filles.
Le Général Patrick Pondaven – Un Portrait
La vulgarisation de la bataille de Rouvre, que les Américains appellent « la bataille de Brée », repose largement sur les recherches du Général Partrick Pondaven et sur un discours qu’il a tenu en 2022 lors de la commémoration de la bataille sur les lieux, devant la stèle qui y a été érigée.
Le Général (2ème section) Patrick Pondaven est né le 21 octobre 1959 à Rennes. Admis en 1978 à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr, il choisit de servir dans l’Artillerie Sol Sol.
En 1990, il suit le cours des capitaines américains à Fort Sill dans l’Oklahoma au moment du déclenchement de la 1ère Guerre du Golfe.
Breveté du Cours supérieur d’Etat-major en 1996, toujours par la voie scientifique il rejoint l’Armée de la Maintenance, en travaillant essentiellement dans des spécialités liées à l’électronique et à l’informatique.
Il effectue une OPEX de 6 mois en 2005 comme adjoint logistique d’une Force Multinationale à Mostar en Bosnie Herzégovine.
Après avoir modernisé le système d’information logistique de l’Armée de Terre sur un mode web, il termine sa carrière à la Structure Intégrée de Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres en 2015 en tant que chargé de mission auprès des PME. A l’issue, il exerce encore 5 ans comme conseiller militaire auprès d’une entreprise développant des moyens de tests des équipements électroniques et optroniques des armées.
Ingénieur de l’ESM St Cyr et de l’Ecole des Mines de Nancy, il est chevalier de la Légion d’Honneur, chevalier de l’Ordre National du Mérite, titulaire de la Croix du Combattant et de médailles commémoratives française et étrangères.
L’appréciation du général Pondaven sur les combats :
Côté américain, le général Grow doit respecter les ordres de Patton et privilégie donc une progression rapide, même si celle-ci s’effectue sur deux axes principaux. L’avant-garde de la colonne Nord est passée sans anicroche mais visiblement les abords immédiats de l’axe de progression n’ont pas été suffisamment sécurisés.
Côté allemand, l’embuscade en elle-même est parfaitement menée. Les premier et dernier véhicules visibles sont détruits et les feux sont ensuite rapprochés, tout en considérant que le canon anti-aérien de 88 mm est une arme redoutable en pareille situation. Prenant les véhicules de côté, les dégâts sont plus importants car le blindage le plus épais est toujours sur la partie avant.
Pour le déroulement de la bataille elle-même, une fois accrochés, les américains peuvent manœuvrer et déborder un ennemi qui n’a guère d’échappatoire. Après une première partie d’embuscade qui a dû concentrer les pertes américaines, les choses tournent ensuite à leur avantage par l’utilisation massive de l’artillerie et des blindés.
Sources
Discours Patrick Pondaven
Benoit Rondeau : Le Général Patton, Tallandier, 2016 et 2023, 731pages, ISBN 979 10 210 5975 7 /DL 11.23
U.S. Army Central, Timeline 3ème Armée (en anglais)
Trois seminaires de la Fondation du Mont-Saint-Michel sur les opérations militaires dans la Manche après le D-Day.
Entretien avec Jean Paul Delaunay
Wikipedia : Schlacht um die Bretagne (Documentation détaillée en allemand)
La Gazette de la Manche, Pontorson: 79 ans après, la bataille du Rouvre est touours commémorée