Mont Saint-Michel : l’intelligence artificielle et le Monument

Comment va-t-on réguler le flux des touristes ?

L’attractivité pose problème

Il y a des jours au Mont Saint-Michel où les touristes deviennent  un cauchemar. Lorsque 13 000 personnes se pressent dans la rue principale et sur les escaliers, il faut se féliciter qu’on n’ait pas eu d’accident grave. Le Mont Saint-Michel souffre de son attraction. Tout en cherchant des solutions on se demande visiblement à l’Etablissement public du Mont Saint-Michel quelle classe de touristes on souhaiterait voir visiter la Merveille.

Le Mont : uniquement ©wy

Ce n’est pas un phénomène isolé dans le tourisme international. Les experts de tourisme réfléchissent partout dans le monde comment réguler le tourisme. Les monuments d’un autre âge attirent la curiosité. On veut savoir comment on a vécu dans un autre temps, voudrait passer quelques heures sur une île sans la possibilité de pouvoir s’enfuir, et passer des vacances avec des visites et des promenades. La combinaison entre tourisme vert et tourisme culturel est une nouvelle tendance. Il y a des villes entières comme Marseille, Barcelone, Lisbonne avec leurs environs qui suffoquent pendant les mois d’été. Mais il y a aussi des touristes qui en souffrent par le trop grand nombre de personnes qui ont eu la même idée.

Que peut-on faire pour faire face à la ruée des touristes ? Les moyens ne font pas de miracles. On les laisse entrer par petits groupes. C’est-à-dire on les fait attendre dans des queues avant de leur donner la possibilité d’entrer dans un musée, dans une église, dans un château. On les connait, ces queues devant la tour Eiffel ou devant le Louvre ou partiellement devant des châteaux de la Loire et le château de Versailles. Personne ne les aime, mais elles sont « le succès » de leur attractivité. 

Est-ce une solution ? Et : que peut-on faire ?

On a peu de possibilités pour gérer le problème avec les touristes et le Mont Saint-Michel. Le directeur général de Keolis parle de résoudre le problème par « l’intelligence artificielle » dans une conférence de presse sans véritablement préciser ce que cela veut dire. Le directeur de l’Etablissement public du Mont Saint-Michel, Thomas Velter, n’a pas l’intention de « fermer le Mont Saint-Michel », dit-il dans un entretien avec le journal « l’Ouest France » du 27 janvier 2023.

On peut pourtant réguler le flux de touristes en utilisant les moyens informatiques. Cependant : vouloir réguler 2,8 millions de visiteurs juste devant les portes de la Merveille est une méthode qui est vouée à l’échec. Des bouchons devant le départ des navettes au mois de février laissent supposer le pire pour l’été.

La directrice de communication de l’Etablissement Public qui doit gérer le problème était sur le bon chemin lorsqu’elle proposait dans le même article du 27 janvier aux touristes dans les gîtes d’utiliser les horaires de faible affluence pour leurs visites. Ces touristes sont plus flexibles que d’autres. Mais comment connaître ces horaires « de moindre affluence » ?

En fait le Mont Saint-Michel connait cinq groupes de touristes qu’il faut gérer :

  • En été les 190 à 200 venant avec le train de Paris dont on sait combien possèdent déjà un billet pour l’Abbaye.
  • Les caristes, dont on connait aussi le nombre par jour et les horaires et les forfaits avec Abbaye et restaurant.
  •  Les groupes étrangers qui réservent par des agences ou par les offices de tourisme.
  • Les individuels qui – en touristes avertis – réservent déjà chez eux, à Cologne, Chicago, Londres, Shanghai, Shenzhen ou Tokio et Osaka.
  • Les personnes de ces groupes ne posent pas de problèmes, parce qu’on connait les horaires d’arrivée, donc les capacités à bloquer.

Posent problème les touristes intempestifs qui sans aucune préparation arrivent pour visiter la Merveille.

Qui sont-ils ? En général des touristes qui logent dans la grande Baie ou des touristes qui après 800 ou 900 kilomètres de route  font station dans Pontorson, restent une nuit, veulent visiter le Mont le lendemain matin et ensuite continuer en Bretagne.

Ce cinquième groupe fait voir qu’on ne peut pas tout laisser à l’informatique. Donc : il faut avoir une marge.

Lorsque la navette arrive, on enlève la chaine devant la queue et laisse partir autant de passager pour remplir la navette. La promesse était de ne pas attendre plus de 12 minutes. Il se peut qu’on attende beaucoup plus longtemps quand on es en fin de queue ©wy

La Gazette de la Manche titre dans son édition du 15 février 2023 en citant le directeur Thomas Velter: “Consommer le Mont en trois-quatre heures, ce n’est pas notre philosophie”. C’est une opinion très discutable. Parce que, si on veut gérer le flux des touristes, il faut savoir combien de temps ils passent au Mont avec de différentes occupations. Et soyons clair : au bout de trois à quatre heures on a tout fait.

Il faudrait savoir aussi quelle est la capacité voulue de touristes. Le Mont peut « digérer » combien de touristes par heure ou par matinée/après-midi ? Sans ces données on ne peut pas indiquer aux touristes à quel moment cela n’a pas de sens de venir. L’intelligence artificielle a besoin d’une base claire avec beaucoup de données. Si le directeur souhaite que les gens restent plus longtemps, il réduit automatiquement la capacité des touristes pour visiter la Merveille. 

Il se pose un autre problème d’organisation. Puisqu’on mise sur intelligence artificielle qui ne fonctionne véritablement qu’avec réservation, il faut entraîner tous les hôteliers dans la région Manche et la communauté de commune de Dol de Bretagne et de St. Malo. On doit poser ces questions à des touristes à l’arrivée: « est-ce que vous voulez visiter le Mont Saint Michel le lendemain matin ou dans les prochains jours ? » En cas de réponse positive, on essaye tout de suite de réserver. En réservant – tout en sachant les capacités des parkings – on pourra même recevoir comme réponse le parking à prendre, l’horaire d’accès à l’Abbaye, l’horaire pour le départ de la navette, ce qui serait en même temps une réservation de la navette. Et on peut ajouter une liste des restaurants, pour y réserver une table, en calculant un certain temps de visite. Ceci nécessite beaucoup de travail d’organisation en amont, surtout de programmation. Ceci nécessite beaucoup de travail en aval. Ce sont des mesures d’organisation « normales » si on veut éviter 13 000 visiteurs dans les rues du Mont, si on veut présenter un service de qualité aux touristes et si on veut utiliser les possibilités que l’intelligence artificielle propose. L’Etablissement public travaille ensemble avec Keolis depuis le mois d’octobre de l’année dernière. Au mois de février de cette année les touristes se trouvaient dans une queue au départ des navettes avec un vent glacial et une température de deux degrés. . .

Attendre la navette en queue au mois de février avec vent glacial et température autour de 2 degrés ©wy

Si les queues restent – et il resteront au moins pour les touristes intempestifs – il faut résoudre un autre problème. Est-ce qu’on laissera attendre les gens dans les queues sous la pluie et le vent ? On s’imagine mal faire attendre les gens 12 minutes ou même 24 ou 36 sous la pluie. Ils seraient mouillés « jusqu’aux os ». Alors il faudrait ériger des abribus. Ce qu’il faudrait faire aussi sur le pont au départ des navettes pour le retour. Derrière ce problème se cache la question quel soins on est prêt à prendre pour chérir les touristes pour laisser une bonne impression de la visite ? On peut aussi se poser la question si les organisateurs se sont jamais mis dans le rôle d’un touriste.

L’attractivité internationale du Mont Saint-Michel ne baissera pas. Xavier Bailly, administrateur du Mont Saint-Michel de 2014 jusqu’en 2019, est la star d’une longue documentation sur le Mont Saint-Michel – peut-être la meilleur qui existe -. Elle passe tour à tour dans les chaînes de télévision en Europe, dernièrement en Allemagne. Bailly sait vendre la Merveille dans ce film, fait envie de la visiter, soutenu par des images époustouflantes de la Baie. En 2022 les Allemands figuraient sur la première place des touristes étrangers d’après les statistiques des offices de tourisme.

Avec la discussion sur l’accueil des touristes, sur la qualité du produit et sur les nouveautés comme restaurants, boutiques et centre d’information on a tendance à oublier un point important.  Le Mont Saint-Michel est avant tout un bâtiment sacré. Et si en 2023 on fête les 1 000 ans de la Merveille, il s’agit d’abord de l’anniversaire d’une église qu’on a bâtie sur un roc volcanique dans la Baie. On ne devrait pas non plus oublier que les premiers touristes étaient les pèlerins. Ils représentent toujours une quantité non négligeable parmi les touristes d’aujourd’hui. Sans la religion catholique ce monument n’existerait pas. . . et le pouvoir public n’aurait pas de problèmes avec 2,8 millions de touristes.

Sources : L’Ouest France, Gazette de la Manche, Rapport 2022 Offices de Tourisme, Préfecture en région Normandie. Le chiffre de 2,8 millions a été repris d’un article de Ouest France.

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