Un agriculteur est un entrepreneur. Ses bâtiments ont une valeur, chaque poule possède sa valeur de marchandise comme chaque vache et son lait ou les veaux qu’elle fait. L’agriculture n’est pas homogène, la statistique estime petite une ferme de 69 hectares, moyenne la ferme de 130 hectares et grande une ferme de plus de 130 hectares. L’agriculture française serait majoritairement une agriculture familiale dont on sait qu’un agriculteur avec 69 hectares et entre 80 et 100 vaches laitières ne peut sortir aucun bénéfice.
Pour comprendre l’agriculture française il ne faut pas seulement regarder son produit. L’agriculteur agit en profondeur par les engrais à acheter, un parc de machines très largement en contrat de location à longue durée, le foin, la paille, le sel. L’agriculteur est producteur, acheteur et vendeur en même temps. Il y a d’autres branches de l’économie française qui dépendent largement de lui.
Ce secteur est malade. Le website « agreste.fr » est sans appel : « En août 2023, l’excédent des échanges agroalimentaires français atteint 453 millions d’euros. Il diminue de nouveau sur un an (- 541 millions d’euros par rapport à août 2022) du fait de la baisse des exportations (- 733 millions sur un an), atténué seulement en partie par le recul des importations (- 192 millions sur un an). Le solde des produits agricoles bruts chute (- 646 millions d’euros sur un an) à 112 millions d’euros sous l’effet de la baisse des exportations de céréales et devient ainsi inférieur de près de 50 % au niveau moyen 2018- 2022 pour un mois d’août. »
L’excédent commercial en produits transformés augmente (+ 105 millions) à 340 millions. Le recul des importations (principalement des produits préparés de la pêche) fait plus que contrebalancer la diminution des exportations qui pâtissent du recul des ventes de vins et spiritueux. En août 2023, la baisse de l’excédent commercial agroalimentaire provient pour près de 90 % de la dégradation des échanges avec les pays tiers. » Ceci veut dire que l’agriculture française a encore perdudes parts de marché sur le plan international. Il y a 30 ans le pays était encore le numéro un dans l’export. Aujourd’hui elle est cinquième. L’agriculture française a perdu de sa superbe. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Il n’y a aucune branche dans l’économie française à part la sidérurgie et le charbon, qui subisse une restructuration aussi importante comme c’est le cas des l’agriculture. La France a perdu 100.000 fermes dans les 10 dernières années et ne compte plus que 398.800 fermes. Dans les années 1950 il y en avait plus de 1,5 million. Aujourd’hui un agriculteur laitier sur deux sait qu’il n’a pas d‘héritier pour sa ferme au moment de la retraite. Le métier n’est plus attractif. Même dans une ferme céréalière, on peut rarement employer plus d’un ouvrier agricole. Ceci veut dire que l’agriculture subit aussi une perte d’emplois. Et ceci au moment où de plus en plus de jeunes s’inscrivent dans les lycées agricoles. Le problème là aussi : si un jeune voulait acheter et reprendre une ferme, il sait très bien qu’avec la situation économique de l’agriculture il ne pourra jamais rembourser les crédits par manque de rentabilité. Et s’il en hérite, les lois fiscales le pénalisent en plus.
Ce constat sans merci est l’effet d’une politique agricole en France qui n’a pas eu de stratégie sur le développement à long terme ni sur le rôle de l’agriculture dans la structure moderne de l’économie française. Et même les révoltes des dernières semaines n’ont pas mené à une discussion de fond sur la structure de l’agriculture française. Au fond on a fait comme toujours. On a pris l’argent de l’Europe qui est en même temps accusée de trop cerner l’agriculture française par des décrets. L’Union Européenne se trouve dans un conflit que les pays membres ont créés. Il y a le souhait d’une politique contre le changement du climat, dont la France est le précurseur. Mais il y a aussi des pays qui ne souhaitent pas trop vouloir mettre l’agriculture sous pression. Un exemple : La France interdit le glyphosate, la commission prolonge l’utilisation pour dix ans. La France qui est une « usine de fabrication » de réglementations ajoute encore ses prpres réglementations aux directives européennes. L’agriculture française se retrouve alors avec une montagne de normes, de contradictions, de formulaires à remplir et de contrôles, en sommes de décisions de la politique française et de son administration. Le système crée l’inefficacité et une perte de compétitivité.
Pendant ce temps le développement moderne de l’agriculture avait lieu dans les pays voisins de la France. En Allemagne, la réunification a changé la donne avec des fermes géantes de culture de blé en Poméranie et en Prusse orientale. En Basse Saxe on crée la ferme de 1.000 vaches, système qui est refusé en France. En Espagne on crée de gigantesques serres. Aux Pays Bas on trouve des structures hiérarchiques qui indiquent aux paysans les produits à cultiver et on développe une industrie florale. Et en France ? On se rétracte sur le territoire et on parle de « souveraineté d’alimentation ». Pour garder les relations spéciales avec le Maroc, la France permet l’importation de quelques centaines de milliers de tonnes de tomates cerise, ce qui met la filière française en danger, parce qu’en même temps la France ne s’adapte pas en incluant une autre spécialisation.
Recroquevillée sur elle-même, la France n’a pas vu les développements chez ses voisins. Alors : on parle «de comportement déloyale». Le gouvernement lance une amende de 117 millions d’Euros contre la centrale d’achat européenne Eurelec, située en Belgique pour contournement d’une loi française. Seulement, cette centrale se compose de Leclerc (France), de Rewe (Allemagne) et des groupes néerlandais et belges Ahold, Delhaize. Une amende incompréhensible, puis qu’une autre en 2022 avait déjà été refusée par le tribunal de commerce de Paris. Une amende incompréhensible aussi parce qu’elle est prononcée contre un groupe international à l’étranger sur la base d’une loi française qui a été votée 14 ans après la création d’Eurelec. L’amende aussi montre que la politique agricole française navigue entre populisme et protectionisme française tout en vivant des subventions européennes.
Dans un rapport de septembre, 2022 le sénat accuse la course à une qualité certifiée pour les produits français comme raison pour la perte de compétitivité. « Label rouge », « AOP », « AOC », Camembert de Normandie » rendraient les produits incompréhensibles tandis que les Allemands exporteraient leur lait sans aucun label, identifiable par le nom de la coopérative comme lait allemand. Le manque de compétitivité se fait voir tous les ans dans les négociations du prix de litre du lait avec Lactalis, depuis longtemps une entreprise transformatrice multi-marques, travaillant à l’international.
Pour le premier semestre, Lactalis paye un prix de base de 42,5 cents le litre. C’est trop peu pour la majorité des agriculteurs laitiers, qui avaient espéré trouver un prix d’au moins 50 cents. Comme consolation on pouvait entendre que Lactalis paye des primes supplémentaires selon la qualité du lait collecté. L’International Milkboard calcule pour l’année 2022 les coûts suivantes pour le litre de lait : en Belgique 50,11 cents par litre (paiement 53,38 cents par litre) ; en Allemagne 47,73 cents pro litre (paiement 53,18 cents par litre) ; Luxembourg 48,64 cents par litre (paiement 50,21 cents par litre). Pour la France le International Milkboard ne publie des chiffres que pour l’année 2019. Le Board indique le coût par litre de lait de 52,54 cents, les recettes du producteur n’étant que de 37,02 cents par litre.
Dans l’interview matinale de la chaine BFMTV avec Apollinaire de Malherbe, le directeur Achat et Marketing du groupe Lidl en France, Michel Biero, a proposé de déterminer des minima pour les producteurs dans une tripartite par branche. Ils négocieraient avec l’industrie un prix minimum pour une vie décente. Ensuite ce seraient la grande distribution et l’industrie de transformation qui discuteraient les prix adéquats de vente. Michel Biero raconte qu’il fait ces propositions depuis des années au gouvernement français. Michel Edouard Leclerc a accepté cette idée du directeur de Lidl sans retenue quelques jours plus tard à la même place. Mais le président Macron en a fait une proposition politique : un prix plancher qui – en plus – doit tout de suite être introduit dans toute l’Europe. On peut être sûr que de cette façon la proposition restera lettre morte.
Dans la balance commerciale l’agriculture française travaille avec un excédent de 2,7 milliards d’Euros chez les produits bruts, et même 14,5 milliard d’Euros dans la branche des vins et spiritueux. Mais chez les produits transformés elle encaisse une perte de 9,8 milliard d’Euros. Des pertes se trouvent chez les oléagineux (-1,2 mrd.), viandes (-3,2 mrd), produits d’épicerie (- 3,3 mrd.), pêche (- 5,5 mrd.), fruits/légumes (- 7,5 mrd.) Biodiesel (-2,2 mrd.), bois (- 10,1 mrd.). Suivant les branches, la France se voit concurrencée par la Belgique, les Pays Bas, l’Espagne, l’Allemagne, et l’Italie.
La statistique de l’export connaît quelques succès. L’export envers la Belgique croît de 6,9 % à 10,9 mrd. d’Euros ; vers l’Allemagne de 9,6 % à 10,8 mrd. d’Euros ; vers l’Espagne de 8,9 % à 9,4 mrd. d’Euros et vers les Pays Bas de 6,5 % à 4,3 mrd. d’Euros. Avec l’Algérie, la France présente une perte colossale de 19,6 % dans les échanges commerciaux agricoles.
FIN DU DOSSIER
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SOURCES
Loi EGalim / tv interview Edouard Leclerc / Des discussions sur BFMTV, CNEWS, LCI, Public Sénat / Les Echos / Statista / wikipedia/ conférence de presse Directeur du service général de la concurrence etc du département de la Manche / Expérience personnelle dans une exploitation familiale. / Rapports du sénat de 2021, 2022 et du 17 juillet 2023 / site « toute l’Europe » / site « vie publique » sur le site « vie de la République française » / site France Inter « vrai/faux » / International Milk Board / agreste.fr / Interview Michel Edouard Leclerc BFMTV / France agrimer / conférence de presse du presse du préfet de la Manche sur la sécurité /