Les pièges de Pontorson

La ville de Pontorson met un hectare de terrain sur le marché immobilier pour attirer de nouveaux habitants. Le conseil municipal discute longuement deux versions de vendre les lots. En arrière scène les problèmes des écoles jouent un rôle, parce que Pontorson perd des élèves. Et : on évoque tout un tas d’exigences concernant les nouveaux propriétaires.

La réunion du conseil municipal du 8 novembre 2023 à Pontorson était animée. C’était surtout le nouveau lotissement, vraisemblablement  le dernier pour très longtemps qui incitait à des débats. Avant que le conseil municipal ne décide et ne clarifie la situation, il existe déjà une liste avec des candidats pour des lots. On ne sait pas comment cette liste s’est créée. Un groupe de travail, formé ad hoc pendant la réunion du conseil municipal du 8 novembre 2023, doit résoudre les problèmes et faire des propositions.

Photo d’illustration: une réunion du conseil municipal de Pontorson. (c) wy.

La nouvelle situation législative en France met les communes devant un problème crucial. Dans l’avenir il sera presque impossible de créer encore des zones artisanales ou industrielles, ou même de nouveaux quartiers d’habitation. La raison : une loi interdit une artificialisation nette de terrain.

Pontorson est  considérée comme ville de base pour la zone cœur du Mont Saint-Michel. Cette zone est devenue une zone où aucun  développement ne sera plus possible pour protéger le Mont Saint-Michel. Il sera impossible d’implanter de nouveaux établissements industriels ou commerciaux ou de densifier l’habitat sur des nouveaux espaces. D’autant plus que la protection du Mont Saint-Michel par l’Unesco crée des problèmes supplémentaires. Des maires comme celui de Beauvoir se plaignent dans des réunions publiques ouvertement « que désormais plus rien n’est plus possible ».

Devançant cette situation, la ville de Pontorson a acheté au dernier moment un terrain de presque 8.000 mètres carrés qui se forment avec d’autres terrains en un nouveau d’un hectare (10.000 mètres carrés). C’est un terrain, en bas de la rue de Rennes, au bord du village de Boucey et du marais de la rivière Couesnon, encadrant la cité du savoir avec les écoles maternelle, primaire et le collège plus un terrain de sport, deux salles de sport et une salle de tennis avec deux terrains de tennis. Une situation idéale pour y créer un nouveau quartier, nommé « Philipotte ». L’investissement de la ville est considérable. Le terrain en tout avec le prix d’achat, les fouilles archéologiques, le zonage des parcelles, la viabilisation avec rue, eau, gaz, électricité, éclairage à installer est chiffré à 1.059.574,62 d’Euros a-t-on su dans la réunion du conseil municipal du 8 novembre 2023. Les travaux sont à faire, actuellement le terrain est vierge avec quelques arbres et buissons.

Le terrain où on veut faire 20 parcelles pour attirer une jeune population. (c) wy.

Il existe plusieurs problèmes autour de la création du quartier « Philipotte ». La ville de Pontorson a un problème. Elle n’a pas de réputation. Appelée autrefois « la ville des fous » à cause de l’hôpital psychiatrique, aujourd’hui « la cité des agneaux », on ne sait pas vraiment où est l’excellence de la ville. Dans le conseil municipal on entend « on a des atouts ». C’est vrai, le centre du savoir avec ses écoles, la médiathèque et le futur centre de la jeunesse est un vrai atout. Mais les bâtiments à eux seuls ne veulent rien dire. Il faut de l’excellence comme contenu, dont on peut parler et qui fait l’attraction. La ville elle-même est un centre cantonal. Mais un centre où des faiblesses apparaissent et où s’accumulent des problèmes à résoudre.

Pontorson n’a que très peu d’industrie, ne propose donc pas de travail dans ce secteur. Ce secteur se concentre à Poilley, à Ducey. Pour aller aux deux autres centres, à Avranches ou à Dol de Bretagne, il faut la voiture. La ville restructure le quartier de la gare pour un investissement de  4,1 millions d’Euros. Le maire, André-Jean Belloir essaye de positiver. «  Le projet de la gare intéresse la préfecture, les conseils régionaux et départementaux. Nous avons en plus 91 commerces dans la ville. « Mais si actuellement on s’y intéresse pour y vivre, c’est à cause des expériences de Covid dans des appartements en ville. Si possible les gens fuient les grandes villes et les appartements.

L’ecole publique primaire qui a perdu une classe cette année scolaire (c) wy.

Pontorson a un problème avec sa population. Elle est vieillissante. Les écoles sont la preuve. L’école primaire a perdu une classe avec l’année scolaire 2023/2024.. On cherche donc un moyen de trouver de jeunes familles avec des enfants en bas âge pour remplir les classes. Lorsque l’ex-maire de Pontorson, l’actuel conseiller départemental, André Denot, négociait le rattachement de Sacey à Pontorson, l’école était le problème crucial. Le rattachement ne s’est pas fait. Sacey ne voulait pas abandonner son école.

Les fautes des municipalités du passé qui ont refusé tout implantation d’industrie parce qu’on « ne voulait pas avoir des ouvriers » dans la ville, se vengent aujourd’hui. Le taux de natalité n’est pas suffisant pour garder l’important dispositif  des écoles. Mais est-ce que l’idée d’y remédier est la bonne ?

La municipalité espère fortement pouvoir trouver une nouvelle population jeune, de préférence de jeunes familles avec des enfants. Une population qui augmente la natalité ou qui arrive avec des enfants pour remplir les écoles. Cette population ne cherche plus, d’après une observation du maire de St. Malo, l’appartement mais la maison d‘environ 80 mètres carrés avec un petit jardin. St. Malo ne pouvant pas suffire à ce besoin, les jeunes familles chercheraient ailleurs. Une chance pour Pontorson ? Plutôt non, parce que faire le chemin tous les jours ferait perdre environ deux heures de vie privée par jour et, par manque de transports publics, augmenterait considérablement les frais de carburant. Les jeunes de St. Malo s’orientent plutôt vers des villes comme Le Vivier sur mer ou St. Benoît des Ondes pour garder le voisinage de la grande ville.

Restaurant scolaire et école maternelle ultra modernes de Pontorson (c) wy.

Il y a un aspect dans toute la discussion autour du futur quartier Philipotte qui gêne. Il y a quelques mois déjà fuitait l’information que le prix du mètre carré serait autour de 60 Euros le mètre carré. Dans les discussions de la réunion du 8 novembre on parlait de 20 lots qui serait presque tous pris.. On parlait d’une liste de personnes qui voudraient acheter un lot. Ceci sans expliquer d’où cette liste vient et comment elle s’est établie. Par des remarques de l’un ou l’autre conseiller on pouvait conclure qu’ils s’y trouveraient  en majorité des couples d’un certain âge, une famille mono-parentale et seulement une ou deux familles qui rempliraient les espoirs de la politique communale.

 On ne pouvait pas s’attendre à citer des noms pour protéger l’anonymat des personnes. Mais on aurait pu s’attendre à une explication plus soutenue de la structure de la liste vu l’espoir de la municipalité qui y est lié. Une fois de plus on avait l’impression que Pontorson n’est pas vraiment un champion de transparence.

D’après ce qu’on a entendu de cette fameuse liste, on n’aurait de toute façon pas ces familles jeunes qu’on attend tant.. On pouvait en plus avoir l’impression qu’au fond tout était vendu avant que le conseil municipal n’ait fixé les conditions de vente. Une fois de plus s’avérait cette impression qu’ à Pontorson la politique de la ville se décide derrière les portes fermées.

En fin de compte la commission compétente proposait deux procédés : vendre le mètre carré à un prix de 67,18 Euros hors taxes, 78,50 Euro toutes taxes comprises. La deuxième proposition était de demander un paiement en avance de  5.000 ou 6.000 Euro, ce qui aurait limité le prix du mètre carré à  67,50 Euro. Les 20 lots devraient avoir une grandeur de 391 mètres carrés jusqu’à 671 mètres carrés. Cela va mener à des prix différents concernant les mètres carrés. Après une discussion vive où on évoquait des idées entre autres de subventionner certains acheteurs, ou d’exclure ceux qui allaient louer leur maison, ou de ne pas vendre aux personnes qui utiliseraient leur maison comme maison de vacances, le maire, André-Jean Belloir procéda à un vote personnel. Une minorité de sept conseillers municipaux vota pour une vente à prix unique par mètre carré. La majorité se décida pour le système plus compliqué avec l’achat par une avance de 5.000 ou 6.000 Euros. La commission ad hoc devra présenter un plan cohérent lors du prochain conseil municipal, le 18 novembre 2023. Et tout à fait dans la politique de cette liste secrète, le maire demanda aux membres de ce groupe de contacter les personnes sur la liste pour leur demander si elles sont toujours intéressées vu les conditions de vente votées par le conseil municipal.

Le même terrain vu d’une autre perspective (c) wy.

Dans toute la discussion il faut quand même regarder ce que cette opération veut dire. Pour les prétendants l’achat d’un terrain  et la construction d’une maison sont une charge lourde. Avec l’inflation et les intérêts montants, les banques sont retournées à un financement plus classique. Elles demandent un apport de 20 pour cent, partiellement même 30 pour cent. Si on calcule un prix de 200.000 Euro pour la construction, une jeune famille doit dépenser environ 43.000 Euros pour l’achat du terrain et 40.000 Euros comme apport pour un crédit de 200.000 Euro, en somme 80.000 Euros. S’y ajoutent les frais supplémentaires pour la création des dossiers et les frais de notaires par exemple. Faisable pour une jeune famille ? Si on ne trouve pas une ingéniérie financière avec caution par une assurance vie et hypothèque, on peut douter que ce soit faisable pour une jeune famille. Tout espoir de remplir des écoles s’écroulerait alors.

 Pour ce cas on évoquait aussi une subvention de la ville, une idée irréaliste. La ville agirait alors d’un côté comme vendeur et de l’autre comme financier. Il y a peu de chance pour que le préfet laisse passer ce système. Puisque la ville lie la survie des écoles à cette action immobilière, elle ouvre la discussion sur autre chose, l’attraction de ses écoles, l’attraction de la ville et sa réputation. Mais cela, c’est un autre sujet. . .

Le préfet de la Manche Xavier Brunetière. Va-t-il accepter les idées politiques
pontorsonnaises? .

L’article est principalement basé sur les discussions du conseil municipal de Pontorson du 8 novembre 2023. La municipalité n’avait pas mis le dossier à la disposition de la presse.

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